Homélie pour le 11e dimanche ordinaire année B par Frère Bernard

Première lecture : Ez 17, 22-24 Deuxième lecture : 2 Co 5, 6-10 Évangile : Mc 4, 26-34

Ecoutons la suite de cet Evangile. Quand Jésus eut fini de raconter la parabole de la semence de blé jeté en terre et du grain de sénevé devenu un grand arbre, des enfants approchèrent de lui et lui demandèrent : « Jésus, parle nous encore de la semence jeté en terre et du grain de sénevé devenu aussi grand et aussi vieux que le chêne de Brésilley qu abrite une statue de Myriam, ta mère revêtue d’une somptueuse robe en écorce. Jésus reprit la parole et leur dit : « A vous, il est donné de connaître les mystères du Royaume, alors écoutez. Quand j’étais enfant et que je vivais à Nazareth, mon voisin Natanaël avait dans son grenier mille petites graines. Un jour, il les prit pour les semer dans son champ. Les petites graines ont peur, elles tombent dans la terre froide et humide ; elles s’enfoncent c’est la nuit et c’est la solitude. Elles ont disparu, on ne les voit plus. Tout semble fini. Dans le grenier, une petite graine réussit à se cacher . Elle n’a pas voulu tomber en terre. Elle pousse un soupir de soulagement. Avec ironie, elle pense aux autres graines qui n’ont pas voulu l’écouter. Heureuse, elle s’endort dans le grenier. Dans le champ, les petites graines souffrent. Il fait froid; leur corps craque de partout, il commence.à mourir. Tout semble fini… Au printemps, le semeur vient dans son champ. Mille petites tiges soulèvent la terre. Dans un effort terrible, les petites graines ont fait jaillir la vie de leur coeur ; des germes de vie nouvelle sortent de leur petits corps en train de disparaître. Les germes grandissent, traversent la terre froide et humide, ils arrivent au soleil. Après une longue patience, les petites graines ont fait le passage vers une vie nouvelle. Victoire de la vie sur la mort. Les petites grainent continuent de vivre autrement, tout n’est pas fini. Dans le champ, les germes se transforment en tiges, puis s’épanouissent en fleurs. La vie ne s’est pas arrêtée, elle s’est transformée. La mort est une étape après bien d’autres étapes. Dans le grenier, la petite graine reste seule. Elle se dessèche. Il n’y a plus de vie possible pour elle car elle n’a pas fait le passage : la Pâque de Résurrection.

Après avoir parlé ainsi, Jésus leva les yeux et proclama à voix haute : « si le grain de blé ne meurt et n’est pas jeté en terre, il ne porte pas de fruit. Oui, si le grain ne meurt, s’il n’est pas jeté en terre pour y mourir, jamais ne pourra lever la moisson ».

Que dire à présent que tout est dit ? Ceci : chaque fois que nous sommes jetés à terre ou en terre, ou même morts, les paraboles du grain de sénevé et de la semence de blé jetée en terre peuvent gonfler nos poumons d’espérance après chaque plongée dans les abîmes ténébreux.

Jésus veut nous rappeler que le monde et le cœur de L’Homme sont inséminés de divin, et que même si nous portons en nous des zones de sécheresse, d’épaisseur et d’étouffement de la parole de Dieu, la promesse de la moisson sera tenue. Nous sommes sauvés. Ainsi donc pouvons-nous être chaque jour déçus par la vie, accumuler les échecs, être écrasés par la souffrance, la parabole du grain de sénevé nous annonce que nous sommes créés pour devenir, et que, même à partir de débuts sans espoir, le résultat est acquis et il est magnifique. Désormais tout est possible. Oui, tout est possible depuis que Jésus, Parole de Dieu, a été enfoui au cœur de notre terre et dans la terre de notre cœur. Désormais le soc de la grâce peut ouvrir de longs sillons et mordre la terre des cœurs. Tout est possible. Il n’y a pas de vie ratée. Il n’y a pas de chagrin sans espoir. Il faut refuser passionnément de figer une situation en la jugeant.

Toi qui refuses tout espoir parce que tu restes seul avec, dans tes mains, les lambeaux d’un grand amour, ton amour déchiré, ton amour impossible, relève le front, regarde : le semeur a semé ton espérance, tu la porteras dans la nuit et bientôt tu ressusciteras avec celle qui était ton amour et ta joie dans l’éblouissement des premières tendresses et vous moissonnerez ensemble votre joie éternelle.

Toi qui te heurtes sans cesse à tes limites ne sais-tu pas que tes obstacles sont devenus des chemins de gloire ? La lumière de la Parole de Dieu a reçu la liberté de briller partout et jusqu’au cœur de tes ténèbres et de tes obstacles. Les impasses que tu vis aujourd’hui et que tu vivras demain sont informées par la lumière avant même d’apparaître dans ta vie.

Toi qui es scandalisé par le silence de Dieu à Auschwitz ou par son silence quand un car rempli d’enfants brûle sur une autoroute, n’oublie jamais que la réponse de Dieu n’est pas verbale mais elle est écrite avec du sang, c’est la croix du Christ. Dieu tout entier en Christ, rejoint l’Homme tout entier jusque dans la mort et l’enfer. « Voici que je suis avec vous jusqu’à la fin des temps. » La miséricorde a été semée jusque dans nos enfers.

Toi qui es enseveli de désespoir à force de solitude, d’indifférence et de mépris, réjouis-toi car l’infinie compassion de Dieu ouvre au creux de ta souffrance les chemins de la miséricorde.

Et toi qui as capitulé, toi qui as cessé de te battre vaincu par ton péché ; oui, toi, surtout, cesse de te mépriser, lève-toi et marche : Jésus-Christ est vivant et quoiqu’il arrive ton destin est lumière. Le semeur connaît tous les chemins de ton être pour les avoir parcourus, défrichés, ensemencés de sa miséricorde ; tout ton espace est habité par son amour lumineux car la grâce et la gloire vont au-delà des zones perturbées de ton être de pécheur.

Oui, frères, tout cela c’est aussi la parabole du grain de sénevé. Tout au bout de la patience, de l’autre côté de la souffrance, il y a la joie, et le visage rayonnant d’un Dieu qui sauve. Nous savons désormais que la Croix, la souffrance et même le péché ne sont pas des échecs. Ils sont le plus sûr jalon planté sur notre route, pour que toute vie d’Homme, pour que tout amour, rebondissent au-delà des tombeaux dans cette grande explosion de vie, fervente et généreuse, gerbe vivante de lumière, d’amour et de joie, qui ruisselle sur nous dans le matin de Pâques pour faire chanter la terre et célébrer la vie. « Qui croit en moi, fut-il mort, vivra » dit Jésus.

Oui, quel que soit le chaos, quel que soit l’échec, quel que soit le malheur, même si la mort est là, c’est encore l’heure de l’espérance. Elle est là, debout, pour dominer l’absurde, elle enfonce ses racines aux sources même du désespoir, au fond même des contradictions. De chaque obstacle, elle sait faire un tremplin et de chaque lambeau, elle fait un étendard. Même si elle doit contredire l’expérience la plus vérifiée, l’Espérance est ma raison d’accepter d’être ce que je suis. Il nous dit que tout amour est réussite et que, quoiqu’il arrive, moi, en Dieu, c’est réussi. C’est cette espérance qui me fait dire au Dieu de tendresse : « Père, j’ai tenté d’être un Homme et je suis ton enfant. »

Amen


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