Première lecture : Jb 38, 1.8-11 Deuxième lecture : 2 Co 5, 14-17 Évangile : Mc 4, 35-41
« Passons sur l’autre rive » : l’autre rive, en l’occurrence le territoire de la Décapole. Le monde païen vers lequel Jésus veut accoster pour y annoncer aussi la Bonne Nouvelle, comme il vient de le faire avec ses compatriotes. C’est l’ardent désir de Jésus : « Je suis venu allumer un feu sur la terre et comme je voudrais qu’il soit déjà allumer ! ». Mais la mer, les forces du mal se déchaînent pour empêcher ce projet. Comme elles se ligueront contre Jésus au point de sembler l’avoir emporter. Car ce récit de la tempête apaisée est une préfiguration de la passion du Christ. Jésus qui dort dans la barque, se réveille, calme la tempête c’est Jésus endormi dans la mort au creux du tombeau, qui se lève au matin de la résurrection, repousse les forces de la mort et passe sur l’autre rive. D’où se répandra sur toute la terre ce feu qui ne s’éteint pas. Ce mystère de la mort et de la résurrection de Jésus, ce mystère pascal est le sceau qui marque nos vies de baptisés. La vie n’est jamais un long fleuve tranquille. Mais plus souvent une mer agitée. Sur laquelle la barque de nos familles, de nos communautés, de nos pays est souvent ballotée par les vents contraires. La foi ne nous épargne pas les épreuves. Comme elle ne les a pas épargné à Jésus, lui qui est à l’origine et au terme de notre foi. Mais elle nous aide à les traverser. En les traversant avec Jésus. Mais me direz-vous : comme les disciples nous avons souvent l’impression que Jésus dort alors que nous sommes en pleine tempête. Si le Christ dort dans la barque c’est parce qu’il fait confiance à Pierre pour la conduire sur les flots. De même avec nous : il nous fait confiance pour mener la barque de nos vies. Dieu ne se substitue pas à nous. Il nous a créé libres et responsables. Mais il ne nous abandonne pas. « Je dors, mais mon cœur veille ». Quoiqu’il nous arrive, Dieu, en Jésus mort et ressuscité, veille sur nous, veille avec nous. Il est là à portée de cri. Il attend de nous qu’au cœur de nos détresses, de nos épreuves, de nos révoltes, nous crions vers Lui : « Maître, nous sommes perdus : cela ne te fait rien ? ». L’Ecriture est pleine de ces cris qui montent vers Dieu au cœur des détresses humaines. Pensons à Job qui au milieu des multiples épreuves qui l’accablent se tourne vers Dieu pour lui crier son amertume et son incompréhension. Les psaumes sont tissés de ces appels au secours adressés à Dieu : « Réveille-toi ! Pourquoi dors-tu Seigneur ? Lève-toi ! Ne me rejette pas pour toujours. ». Jusqu’au cri ultime, celui du Crucifié qui vient déchirer le silence de Dieu et dans lequel sont récapitulés tous les cris des hommes vers les cieux : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Crier vers Dieu c’est prier. Prier c’est se mettre face à la Présence de Celui qui est le maître de la vie et de la mort. C’est, comme nous y invite St Paul, ne plus avoir notre vie centrée sur nous-mêmes, mais sur Jésus qui est mort et ressuscité pour nous. C’est ne plus regarder les personnes et les évènements d’un manière simplement humaine. Mais avec le regard de la foi. « N’avez-vous pas encore la foi ? ». Cette foi qui nous donnera de voir la présence et l’action de Dieu dans les situations les plus contraires. L’enjeu de notre vie chrétienne c’est la foi. Croire que Jésus est Emmanuel : Dieu avec nous. Et que ce ne sont pas de vains mots. Le pire danger pour nous ce ne sont pas les épreuves, mais c’est de ne pas les vivre avec Jésus, de ne pas les vivre en Dieu. Au cœur de ces épreuves ils nous appellent à passer sur l’autre rive. Parfois par des chemins déroutants, au prix d’une grande persévérance dans la foi et de mort à nous-mêmes. Mais avec la certitude que par son Esprit Dieu guide nos vies vers le port du Salut. « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. »