Homélie pour la Solennité du Saint-Sacrement année B par Père Marie-Bruno

Évangile : Mc 14, 12-16.22-26

Le récit que nous venons de lire, sous la plume de St Marc, nous place au cœur du mystère pascal. Ce mystère pascal que Jésus va vivre dans sa passion, sa mort, sa résurrection et qu’il anticipe dans l’institution du sacrement de l’Amour, l’Eucharistie.
Comme l’indique le mot grec eucharistein, l’Eucharistie est une action de grâce. L’action de la grâce, la grâce devenant efficace pour tous ceux qui s’unissent par elle au Christ dans son acte sauveur. Cette grâce qui devient agissante pour ce monde, pour qu’il soit transformé en Eucharistie à travers l’offrande que fait de lui l’Eglise : « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ». Par sa Pâques, Jésus réintroduit le monde dans la sphère de la vie divine, dans cet « état de grâce » voulu dès l’origine par Dieu pour l’homme. Tel est bien le sens premier du mot « sacrifice » : sacrum facere, faire sacré. Non pas dans le sens de « produire le sacré » car il n’est pas en notre pouvoir de fabriquer de toutes pièces le privilège d’une proximité avec Dieu, mais dans le sens ou la vie divine est d’abord reçue, avant d’être exercée. « Faire sacré » consistera à laisser s’épanouir dans tout son dynamisme cette vie divine, ce « toucher divin » qui est présent au plus profond de tout être. Dans le Christ ce « toucher divin » atteint sa plénitude. L’Incarnation, c’est l’amour divin descendant chez nous pour habiter avec nous. L’humanité de Jésus est le temple de la grâce divine, elle est de manière excellente « touchée par Dieu ». En nous unissant à elle par la communion eucharistique, nous nous laissons imprégner par cette grâce qui l’habite et qui vient porter à son incandescence. Si nous devons, comme le Concile Vatican II nous y invite, tout mettre en œuvre pour une « participation pleine, active et consciente de tout le peuple aux célébrations liturgiques », nous ne devons pas oublier que cela ne pourra se faire en vérité que si nous prenons d’abord conscience que la liturgie, avant d’être une œuvre du peuple, notre œuvre, est d’abord une action de Dieu à laquelle nous répondons, à laquelle nous nous rendons présents.
Action de grâce, l’Eucharistie est bien un acte. Acte unique, comme est unique le sacrifice que Jésus fait de sa vie : « par une oblation unique, il a rendu parfait pour toujours ceux qu’il sanctifie » (Hb 10). En vivant le mémorial de ce sacrifice dans l’Eucharistie, nous n’ajoutons pas un sacrifice à un autre, mais nous participons à l’aujourd’hui de l’unique sacrifice.
Un acte d’accomplissement – Dans l’Eucharistie, les épousailles de Dieu et de son peuple sont parfaitement « consommées ». L’Alliance est menée à sa perfection dans l’offrande du Christ, en son corps livré et en son sang versé. Célébrer l’Eucharistie, c’est être emporté par ce torrent vivifiant qui surgit du corps du Christ offert, livré, donné. L’union du Christ et du croyant, du Christ et de l’Eglise, du Christ et de la création, cette union est scellée définitivement dans l’acte eucharistique. C’est l’acte du Christ Epoux qui se donne à son Epouse qui est l’Eglise, et par elle l’humanité toute entière, et donne à cette Epouse de se donner à Lui. Un acte de dépouillement – L’Eucharistie nous invite à revenir à ce qui est nécessaire et vitale pour nous. La parole et la nourriture y sont données, reçues et échangées. La parole et le pain nous rappellent que nous ne pouvons nous suffire à nous-mêmes. Nous nous recevons d’un Autre et les uns des autres. Nous sommes faits pour recevoir, partager et donner. L’Eucharistie nous invite à prendre la mesure de notre radicale pauvreté pour que la vie partagée de Dieu soit notre unique richesse, une richesse partagée avec Lui et entre-nous, une richesse qui augmente d’autant plus qu’elle est partagée.
Œuvre de la grâce, l’Eucharistie n’est pas un acte de magie. Elle n’aura d’efficacité que si, par elle, nous entrons dans cette conversion du cœur à laquelle le Christ appelait ses auditeurs. C’est dans cette « cohérence eucharistique » entre ce que nous vivons et ce que nous célébrons, que peut monter vers Dieu une authentique action de grâce, reconnaissance de l’œuvre de l’Esprit dans le quotidien de nos vies.


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