31 mai 2024
La liturgie de ce jour ne nous parle que de printemps ! Car cette femme qui se lève et s’en va en hâte par la montagne est bien la messagère et l’artisane du printemps le plus doucement triomphal qui ait jamais renouvelé la face de la terre. Sur son passage, elle met le monde en fleurs, comme celui qu’elle porte, lorsqu’il saura marcher tout seul, le mettra en feu. Regardons la : elle est descendue des hauts de la Grâce vers les collines de la terre ; elle court, elle coule, elle dévale, transparente et torrentueuse ! L’Eau vive, par elle apportée, commence d’irriguer déjà nos confins desséchés. Elle est l’aqueduc. Et sa voix si claire, si argentine, sonne elle-même comme un ruisseau et signale le grand dégel. Saluée naguère par l’ange, elle salue à son tour, et sa propre salutation met la vieille cousine en travail. A travers la causette des deux femmes, c’est la joie de Dieu qui, se riant de nos hivers invétérés, nous arrive à grands pas.
Les voix se provoquent, se stimulent, s’enchantent : la causette est devenue cantate ! Marie élève la voix, prenant la tessiture de l’Esprit. A Elisabeth, l’alto, répond la soprane des sopranes, celle dont la voix s’élance plus haut que toutes les voix, non pour les dominer, mais pour les aspirer dans sa propre louange. Car la soliste n’est pas seule : par elle, en elle, c’est un peuple entier qui chante, un peuple de longue marche dont elle est à la fois la benjamine, la conductrice et l’âme.
Le chant de Marie est aussi le choral de l’Église. Ce chant là, passé dans nos vêpres quotidiennes, est désormais à nous sans cesser d’être celui de sa première cantatrice. Avec le Magnificat, la voix même s’érige en cathédrale pour que, telles les vagues successives d’une fugue, y entrent toutes les générations. Universelle, de par la volonté testamentaire de son Fils, la mère contient en soi la partition des siècles, et jusqu’à la fin nous dirons ces choses subversives et fortes que la femme forte a mises sur nos lèvres.
Marie, voulez-vous nous faire la grâce de venir vivre cette Eucharistie avec nous car c’est notre joie de vous avoir toute entière pour nous en cet instant même. Puisse votre présence s’imprimer en nous comme une blessure inguérissable qui donne faim et soif de l’essentiel et pour toujours.