Homélie pour la solennité de Saint Benoît 2018 par Dom Jean-Marc

Acey, mercredi 11 juillet 2018

Solennité de Saint Benoît 2018

Proverbes 2, 1-9               Colossiens 3, 12-17                  Matthieu 19, 27-29                Homélie de P. Jean-Marc

 

 

« C’est à toi, qui que tu sois, que je m’adresse… » C’est par ces mots que Saint Benoît, dans le Prologue de sa Règle, interpelle ceux et celles qui, séduits par Dieu, désirent lui consacrer leur vie dans la voie monastique cénobitique, c’est-à-dire communautaire.

Et pour ceux qui se rendent attentifs à ses propos, Benoît propose : « Nous allons fonder une école du service du Seigneur dans laquelle nous espérons n’imposer rien de dur ni de pénible. » Il précise cependant : « Si les débuts peuvent être malaisés, à mesure que l’on progresse, le cœur se dilate et c’est avec une indicible douceur d’amour que l’on court dans la voie des commandements de Dieu. »

Voilà donc un programme qui peut réellement séduire et susciter le désir de s’engager dans une expérience spirituelle forte. Et, pour ce faire, donner envie d’en savoir plus en devenant lecteur assidu de la Règle.

Mais là où l’on espérait découvrir une initiation à la prière et, peut-être même, un itinéraire mystique, on se trouve confronté à une majorité de chapitres dont la tonalité juridique ou réglementaire n’est rien moins que décevante.

Nous sommes en effet très loin de l’abondante littérature qui de nos jours, offre méthodes et conseils pour bien prier… et sur un tout autre registre que tant d’œuvres qui parlent au cœur et nous introduisent à l’intime du mystère de Dieu. Ainsi les commentaires de nos Pères cisterciens sur le Cantique des Cantiques, Le nuage de l’Inconnaissance ou L’Imitation de Jésus-Christ… et tant de pages sublimes de Jean-de-la-Croix et de Thérèse d’Avila, de Marie de l’Incarnation ou d’Elisabeth de la Trinité.

Saint Benoît n’a certes rien à envier aux grands témoins de la sainteté pour ce qui est de son expérience spirituelle et de son itinéraire mystique. Lui, le solitaire dont le rayonnement attira une multitude de disciples ; lui le thaumaturge, homme de paix et de réconciliation qui, bien malgré lui, se trouva au cœur des conflits et tensions de son époque ; lui qui, n’ayant d’autre objectif que de donner forme à une douzaine de foyers monastiques, façonna pourtant le visage et la culture de l’Europe grâce à l’immense réseau des monastères qui au fil des siècles couvrirent l’Occident.

L’itinéraire que Benoît propose dans sa Règle, tout aussi éloignée de la radicalité orgueilleusement élitiste que de la médiocrité mortifère. est avant tout une voie médiane toute imprégnée de l’esprit de l’Evangile où « les forts désirent faire davantage et les faibles ne se découragent pas.» (RB 64, 19)

Pour Saint Benoît, le moine ne peut prétendre parvenir à une authentique rencontre de Dieu que dans l’humble et joyeuse acceptation de ses limites et des contraintes de la vie. Car, ce ne sont pas les grands élans ou les grandes générosités qui importent, mais la fidélité au quotidien, et surtout l’acceptation du réel.

Et cela implique de prendre concrètement en compte quatre médiations par lesquelles le Seigneur se rend présent et nous manifeste sa douce et vivifiante présence :

1- La médiation de notre corps qu’il nous faut assumer avec ses limites et sa vulnérabilité, puisque c’est par lui que l’on est au monde, que l’on entre en relation, que se concrétise notre conversion à l’amour.

2- La médiation de la création si fortement mise en valeur par le Pape François qui nous alerte sur l’urgence de la respecter et de la protéger puisque c’est par elle que nous découvrons la beauté et la générosité de notre Dieu, le Créateur, et notre solidarité avec l’ensemble du créé et donc de l’humanité.

3- La médiation de l’autre, c’est-à-dire du frère et de toute personne rencontrée. L’autre qui nous révèle la mystérieuse présence de notre Dieu au cœur de nos existences et de nos relations.

4-  La médiation de la Parole, qui requiert son écoute vigilante et aimante dans la liturgie, la lectio divina, l’oraison et les rencontres. St Paul nous le disait : « Que la parole de Christ habite en vous dans toute sa richesse. » (Col 3, 16)  C’est cette Parole du Christ qui nous arrache à nos surdités et nos aveuglements et éveille en nos cœurs le désir de la communion plénière avec notre Dieu “Communion d’Amour”, Père, Fils et Saint Esprit.

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Ainsi donc, heureux es-tu, toi qui, en fidélité à l’enseignement de Saint Benoît et en obéissance aux suggestions de l’Esprit, sais tirer profit des moyens que le Seigneur dans sa sagesse met à ta disposition. Comme nous l’entendions dans le Livre des Proverbes : « Alors tu comprendras la justice, le jugement, la droiture, seuls sentiers qui mènent au bonheur. »

 

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