Homélie pour le 16ème dimanche ordinaire – année B – 2018 par Dom Jean-Marc

Abbaye Notre-Dame d’Acey, dimanche 22 juillet 2018

 

16ème dimanche ordinaire – année  B – 2018

 

Jérémie 23, 1-6             Ephésiens 2, 13-18             Marc 6, 30-34                                           Homélie de P. Jean-Marc

 

Les Apôtres rentrent donc de leur première mission. Une mission assez réussie puisque la foule ne les lâche plus : « Ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de man­ger. » Les Apôtres sont tellement assaillis et sollicités qu’ils en sont comme dévorés… par la foule affamée. Il faut alors toute l’autorité de Jésus pour les amener à prendre du recul et du repos. Jésus leur dit alors : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez‑vous un peu. »

Mais ils n’en auront guère le loisir puisque (nous dit l’Évangile) beaucoup les voyant s’éloigner sur la mer pour se réfugier sur l’autre rive, courent là-bas et arrivent avant eux. Heureusement, Jésus est là. C’est lui qui, maintenant, instruit la fou­le et rassasie de sa parole les cœurs avides, blessés, angoissés.

Aujourd’hui, comme hier, une multitude d’hommes et de femmes – vous, moi, croyants et incroyants – est en recherche d’une parole qui fasse vivre et qui ouvre à la paix du cœur (le seul authentique repos). Malheureusement, beaucoup se laissent sédui­re par de pseudo‑prophètes, gourous, guérisseurs… qui pullulent en notre temps comme à toutes les époques, eux dont le prophète Jérémie, dans la 1ère lectu­re, dénonçait les agissements pervers : « A cause de vous, mes brebis se sont égarées et dispersées. »

En fait, il n’y a qu’un berger dont la parole soit sûre, libératrice, et que l’on puisse suivre sans risque d’erreur : c’est Jésus le Seigneur. C’est Lui qui, aujourd’hui comme il y a deux mille ans, a pitié de nous ; nous qui si souvent ne savons pas où nous en sommes et où va notre vie ; nous qui, dans ce monde déboussolé, stressant, doutons d’une espérance possible. C’est Lui qui nous interpelle : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos.» (Mt 11, 28-30)

Jésus promet le repos à ceux qui s’en remettent à lui ! Mais comment le rejoindre ? Comment entendre sa Parole ? Comment suivre son chemin et lui demeurer fidèle ?…

Nous dire chrétiens ne peut être une affirmation insi­gnifiante, comme se prétendre sportif parce qu’on regarde avec passion à la T.V. le Mondial de foot ou le Tour de France. Si nous sommes réunis ici, ce matin, c’est bien que pour nous la foi chrétienne a quelque chose à voir avec l’essentiel de notre exis­tence.

Dans notre Église, des hommes et des femmes reçoivent un ministère pour enseigner, prêcher, célébrer les sacrements, susciter de nouvelles communautés, les affermir dans la foi et l’unité. Mais tous, nous avons à témoigner du Christ, de sa vie qui libère et qui sauve. En témoigner, non pas d’abord par des paroles, mais par notre vie, nos attitudes, nos engagements et notre prière.

C’est ainsi que la première mission des Apôtres, rapportée dans l’Évangile, nous concerne tous. Si, comme eux, mais à notre manière, nous sommes missionnaires, alors l’invitation du Christ s’adresse également à nous : « Venez à l’écart et reposez‑vous un peu. »

Mais attention ! il ne s’agit pas là d’un simple conseil de bon équilibre physique et psychique. On n’a d’ailleurs pas attendu l’Évangile pour sa­voir que tout engagement fort et prolongé demande des temps d’arrêt et de réflexion si l’on ne veut pas sombrer dans l’activisme ou la dépression.

« Venez à l’écart et reposez‑vous. » Ce conseil bien terre à terre implique plutôt la justesse de notre relation au Christ qui nous demande d’être, comme lui « notre paix » et en son nom, des hommes et des femmes de miséricorde, de paix et de réconciliation.  C’est là notre mission de baptisés dont l’urgence est plus grande que jamais dans une société de plus en plus inégalitaire et tentée de se replier sur elle-même. Jésus dira lui-même : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. » Mais il nous rappellera aussi que c’est Dieu qui suscite des ouvriers : « Priez le Maître de la Moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. »

N’oublions pas que pour cette mission Jésus seul est à la fois notre guide et notre route : « Je suis le chemin, la vérité, la vie. » Et que l’Esprit Saint est seul capable de changer le cœur de l’homme et d’ouvrir un avenir là où tout semble perdu.

Nous reposer, prendre du temps pour Dieu, dans nos vies si souvent surchargées c’est très concrètement faire confiance à l’action de Dieu, mystérieuse mais réelle, et nous en remettre à lui, car, comme le dit si bien le Psaume 126 :

Si le Seigneur ne bâtit la maison,

Les bâtisseurs travaillent en vain ;

Si le Seigneur ne garde la ville,

c’est en vain que veillent les gardes.

 

En vain tu devances le jour,

tu retardes le moment de ton repos,

tu manges un pain de douleur :

Dieu comble son bien-aimé quand il dort.

Il ne s’agit pas ici d’encouragement au farniente, mais à la confiance dans le Seigneur, envers et contre tout.

Notre Dieu n’est pas un dictateur qui mobilise ses troupes au profit de ses idées ou de sa volonté de puissance. Dieu croit en l’homme. Il compte sur notre collaboration. Mais paradoxalement, Dieu, dans la mesure où nous agissons pour Lui et son Royaume, nous libère de l’inquiétude et nous introduit dans un repos que le monde est bien incapable d’imaginer et de procurer. Notre père Saint Bernard nous a laissé ces mots merveilleux : « Dieu de paix, tu pacifies toute chose, et contempler cette immense paix, c’est entrer dans ton repos. ».

Tout est alors possible à celui qui croit et met sa confiance dans le Seigneur : « Cherchez d’abord le Royaume  de Dieu. Tout le reste vous sera donné par surcroît. »

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