Jubilé d’or de Dom Jean Marc Thevenet, Abbé d’Acey Jubilé de diamant de Dom Victor Bourdeau, Abbé émérite de Tamié

Abbaye Notre Dame d’Acey, Samedi 25 Novembre 2017

 

Jubilé d’or de Dom Jean Marc Thevenet, Abbé d’Acey

Jubilé de  diamant de Dom Victor Bourdeau, Abbé émérite de Tamié

 

OUVERTURE DE LA CÉLÉBRATION PAR P. JEAN-MARC

Avant tout j’adresse un grand merci à vous tous qui êtes présents ce matin et qui vous associez à cette petite fête de mes 50 ans de profession monastique.

Merci à Dom Éric d’Aiguebelle, abbé de notre Maison-mère,

Merci à Dom Ginepro et à F. Laurent de Tamié, là où, le 26 novembre 1967, je prononçai mes premiers vœux.

Merci à Dom Hugues de N-D des Neiges et à P. Victor de Tamié qui vient de fêter ses 60 ans de profession monastique.

Merci aux abbesses des deux maisons-filles d’Acey, Mère Isabelle du Val d’Igny et Mère Myriam de Géronde.

Merci à vous, membres de ma famille et amis de notre communauté.

Je dois tout d’abord vous confesser que mon intention première, à la perspective de ce 50e anniversaire de mon engagement monastique, était de ne rien envisager de particulier. Je souhaitais rester discret.

Et puis, à la réflexion, j’ai modifié ma manière de voir : ce qui est un bon signe de conversion, n’est-ce pas !…Car parler de “Jubilé” ce n’est certes pas évoquer un exploit personnel, ou je ne sais quel mérite de ma part, mais célébrer les miséricordes du Seigneur… et rendre grâce.

C’est-à-dire reconnaître ce que le Seigneur a fait en moi et par moi. Et le bénir pour sa fidélité sans faille au cœur de mes médiocrités et de mes infidélités.

Qu’est-ce 50 années à l’échelle de l’Éternité de Dieu ? Certes pas grand chose ! Et cependant je suis certain que pour le Seigneur lui-même ce Jubilé n’est pas quelque chose d’insignifiant puisqu’il s’inscrit dans le mystère de son Alliance avec notre humanité. Il vaut donc bien la peine de le célébrer.

 

HOMÉLIE DE DOM HUGUES, ABBÉ DE NOTRE-DAME DES NEIGES

1ère lecture : Philippiens 3, 8-14             Evangile : Jean 15, 9-17

 

Gardez les commandements… Pour que ma joie soit en vous… Que votre joie soit parfaite… Aimez-vous les uns les autres…. Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime… Non plus serviteurs mais amis… Que vous portiez du fruit….

– La justice par la foi…. Le connaître Lui, avec la puissance de sa Résurrection… Communier à ses souffrances, Poursuivre sa course pour tenter de le saisir, aller droit de l’avant, tendu de tout son être….

Il ya quelques jours, tous les abbés de France, ou presque tous, étaient assemblés à la Grande Chartreuse, lieu éminent de fidélité dans le silence et la prière, s’il en est !

Une caractéristique du rite cartusien de la messe m’a bouleversé. Après la proclamation de l’Evangile, nulle acclamation. Un « grand silence » seul. Nulle parole humaine. On reste là, immobiles trois ou quatre minutes, debouts comme pétrifiés, « sub-jugués » dans une écoute contemplative qui ne peut se traduire que par l’homme debout, digne, communautairement construit par une transfusion silencieuse du Verbe de Dieu Alpha et oméga !

– Nous ne sommes pas en Chartreuse, seulement à Acey… Mais ne faudrait-il pas plutôt se taire après les lectures bibliques si éloquentes que nous avons proclamées ?

– Ne faudrait-il pas se taire devant des vies offertes… Il y a 50 et 60 ans, devant celle du P. Emile qui vient de s’éteindre après avoir brillée si longtemps ? Dans le souvenir de celle de P. Benjamin, qui nous sourit encore de là-haut !

Ce que nous célébrons en ce double jubilé au lendemain de funérailles, ce sont les prévenances divines qui furent comme ratifiées qui en 57, qui en 67, au bon monastère de Tamié, Mère heureuse et féconde de voir de tels fils !

Nous célébrons avec action de grâce ce que vous êtes devenus : « Amis du Seigneur », et amis de tant de frères.

Ceux qui comme vous, chers Pères jubilaires, se sont fait « amis du lieux et des frères », entrent facilement dans l’héritage de ceux qui aiment Dieu.

On le sait, il n’y a pas d’amour authentique de Dieu,

…sans amour des frères, des frères de Tamié, des Mokoto, d’Acey, des Neiges et d’ailleurs…      …sans amour de ces lieux où l’obéissance vous a plantés et où la Grâce vous tient dans l’attente de la Patrie : terre nouvelle et cieux nouveaux, communion des saints espérée…

Il est tout de même un peu cocasse, à vrai dire, qu’un Abbé encore assez jeune, vienne prendre la parole devant deux abbés si expérimentés et sages !

Qu’on me permette cependant un petit souvenir. Fin 1982, alors que je pensais rentrer à la Grande Trappe du haut de mes vingt ans prétentieux… Le Père Maître, P. Emmanuel de bienheureuse mémoire, me dit d’aller à Tamié faire retraite. « Parce que là bas, disait-il, il y a une jeune communauté avec un jeune abbé… » Il savait aussi que j’étais savoyard… J’y allais donc et vis de fait un jeune abbé que je trouvais très droit dans la prière et si svelte quand il « marchait en tête pour conduire ses frères vers le montagnes ». Cela m’impressionna. Et je dois dire qu’il est toujours bien droit quand il prie, et svelte quand il marche…: Ce doit ête la gym du matin, et la grâce de l’Esprit qui assouplit tout !

Je ne savais pas alors que la voix même de cet abbé chantant – ce qu’il n’a pas en partage avec son successeur – allait me poursuivre jusque dans la voiture aujourd’hui encore, chaque fois que j’écoute les offices de Tamié sur Cd pour me sortir des embouteillages de la vie !!

Se tissent ainsi des liens d’amitié dans le Seigneur qui font la matière du Royaume dont nous vivrons éternellement. Qui eut dit que celui qui fut le successeur de Dom Jean Marc, deviendrait mon Père Immédiat, puis le Père Maître de la communauté dont je suis l’Abbé et qui, elle même est devenue fille de Tamié ?

Voilà de beaux motifs d’action de grâce et de dettes aussi.

Nos deux abbés jubilaires illustrent parfaitement les enseignement de la Congrégation des religieux donnés récemment sous le titre « A vin nouveau, outres neuves  » :

« … L’autorité ne peut qu’être au service de la communion : un véritable ministère pour accompagner les frères et les soeurs vers une fidélité consciente et responsable (n° 41)… Le défi est de parvenir au partage responsable d’un projet commun en dépassant la simple exécution d’actes d’obéissance qui ne servent pas l’Evangile, mais seulement la nécessité de maintenir les choses en l’état ou de répondre à des urgences de gestions, surtout dans le domaine économique… »(n°42).

Nous sommes témoins de votre préocupation de la croissance de l’Esprit dans le corps communautaire.

Tous les deux, vous avez été compagnons de ceux que l’on nomme désormais « martyrs de Tibhirine. Ce fut une épreuve, cela demeure une grâce. Ecoutons ce que nous dit P. Christian de Chergé en 1978 : « C’est la prière qui m’aide  à donner à chacun de mes frères sa juste place, par delà un vivre ensemble souvent éprouvant. Elle me permet aussi de mieux pressentir les convergences malgré la distance et les compléméntarités, malgré la différence ». (Constantine, 8 déc. 1978, cité par Robert Masson in « les veilleurs de l’Atlas », p. 161)

Cette fraternité que vous permettez, par votre charité vive et votre ouverture d’esprit bienveillante, est un don de Dieu pour ceux qui vivent avec vous. De cela nous non seulement nous rendons grâce à Dieu, mais à vous deux.

Il est si bon de communier à la bonté et d’éviter ainsi de faire le mal, de le penser même. Qui a vu la guerre, ne la veut plus faire. Père Victor le sait mieux que quiconque !

Un jour, vous avez généreusement répondu à l’appel personnel du Seigneur. Un autre jour vous avez consenti, dans la réponse à cet appel, à être les bergers de vos frères. Et, on le sait, il faut alors parfois passer par des chemins bien escarpés et douloureux. Mais vous êtes là, toujours dispos au service, l’un à passé la barre de 80, l’autre approche de celle, fatidique, des 75… dont nous reparlerons bientôt…

Mais la fidélité de Dieu et celle de vos réponses respectives ne manquent pas. Plus on avance sur ce chemin, dit le Père Saint Benoît, plus « le coeur se dilate et l’on court dans la voie des commandements de Dieu. Ainsi ne nous écartant jamais de son enseignement, persévérant en sa doctrine dans le monastère jusqu’à la mort, nous participons, par la patience aux souffrances du Christ pour être admis à partager son règne » (Prologue RB, 49-50).

Chers frères, la fidélité ne vous a pas manquée. Elle ne vous manquera jamais. Elle s’offre à vous sous la forme d’un bâton de vieilliesse ou de miséricorde pour que vous puissiez continuer de marcher allègrement sur les chemins de la vie. Même sans crosse !

Ce bâton, que le rituel du jubilé prévoit de vous remettre, nous l’avons voulu, naturel et noueux, enrichi de multiples signes qui vous feront aller droit sans perdre le sens. Le bois qui le constitue est jeune et souple en attente de devenir plus ferme avec l’âge. Il vous portera dans les faiblesses et peut-être aussi les humiliations de la vieillesse.

L’améthiste qui y est incrustée vous rappellera l’humilité de la condition abbatiale ou la bénédiction de l’Eglise vous a mis. L’or est celui de la joie et vous dira que votre vie a du prix aux yeux de Dieu.

Les médailles ne sont pas des hochets de vanités comme celles que peuvent recevoir les gens du monde quand bien même, à l’instar des anciens combattants, ils les auraient méritées. Elles sont autant de marques des prévenances de Dieu dans vos vies… de le Sainte Vierge, de nos Pères St Benoît St Bernard, de notre maison Mère ou du Grand Saint Jean Paul II qui nous a tous marqués.

Enfin les rubans sont le signe de la nécessaire prière,  comme ils sont marque page dans les bibles ou les missels que vous fréquentez depuis si longtemps.

« Ne vous laissez pas voler votre joie », pour reprendre l’expression du Pape François. Restez les héraults de cette joie de l’Evangile pour ceux qui marchent avec vous et derrière vous. Notre époque a besoin de témoins. Et vous en êtes !

Je laisse donc à votre successeur sur le siège de Tamié, votre Mère, l’honneur de vous remettre ces bâtons, accompgnés de la formule liturgique qui suivra le chant de votre Suscipe… Il est celui que vous avez chanté il y a 60 et 50 ans. Il est le même que nous chantons aujourd’hui ! Et comme nous aimerions que beaucoup le chantassent avec et  après nous…

Laisons à votre Frère Christophe les mots pour revenir à la prière :

Rien que Ta voix

                        Va       viens                Marche           Suis-Moi

                        Prie     Aime               Vis                   Avec Moi

            N’emporte rien            qu’un bout de pain

                                               qu’un peu de vin

            Rien que ta Croix       Et puis Marie chez toi

            Ma grâce vous suffit

            OUI – J’ai dit

                        Et puis encore – Merci- trois fois – 

 (Poème du 25 janvier 1978, Cité in Robert Masson, p. 184)

 

 

 

Rituel du Jubilé

 

Reçois ce bâton, symbole de la Croix du Christ, soutien dans ta vieillesse,

Qu’il te serve, non seulement à soutenir ton corps,

            mais encore à t’obtenir la nécessaire force spirituelle,

Par Notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous appelle à Lui dans l’Evangile en disant :

« Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau,

et moi, je vous soulagerai. « 

Qu’il soit loué maintenant et dans les siècles des siècles !

 

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