Homélies pour la nuit et pour le jour de Noël par Dom Jean-Marc

Messe de la Nuit de Noël 2017

 

Isaïe 9, 1-6               Tite 2, 11-14                 Luc 2, 1-14                                           Homélie de P. Jean-Marc

 

« Pour vous, c’est quoi Noël ? »

Chaque année, à l’approche de cette fête, c’est la question classique que les journalistes — qui ne sont pas toujours très inspirés — pose aux catégories les plus diverses : les enfants, les familles, les artistes, les commerçants. Ce qui nous offre toute une série de définitions de Noël qui, d’ailleurs, d’une année sur l’autre ne varient guère :

« Noël, c’est le moment où la famille trouve enfin le temps de s’arrêter et de faire la fête. »  « Noël, c’est le bonheur des cadeaux. »  « Noël, je l’apprécie d’autant plus s’il est blanc. » « C’est ce qui nous rassemble tous avec nos différences. » « Noël, c’est le rêve et l’émerveillement. »

Mais il y a aussi ceux pour qui cette fête provoque des réactions de rejet. Ils ne supportent plus l’inévitable réunion familiale tellement conventionnelle où l’on devra rencontrer des personnes avec qui l’on est brouillé… sans parler du repas dont on sait par avance l’invariable menu.

Et puis il y a toutes ces personnes pour qui Noël avive encore la souffrance de l’isolement dans les prisons, les hôpitaux, les maisons de retraite, les camps de transit.

Et pour nous, chrétiens, c’est quoi Noël ?

Bien sûr, nous savons tous que c’est la fête de la naissance du Christ. Mais cette venue du Fils de Dieu dans notre humanité, que signifie-t-elle en vérité pour nous  ?…

Dés les premiers siècles du christianisme, les grands théologiens rappelaient sans cesse aux fidèles cette conviction de foi, qui ne manque pas d’audace : Dieu s’est fait homme pour que les hommes puissent participer à la vie divine. Il a pris chair de notre chair pour que les êtres imparfaits que nous sommes progressent peu à peu et parviennent à leur plein accomplissement sous la conduite du Christ et avec l’aide de l’Esprit-Saint.

C’est pourquoi, au IVème siècle, dans un sermon célèbre, le Pape St Léon le Grand affirmait avec force :

« Chrétien, prends conscience de ta dignité. Puisque maintenant Dieu partage notre condition humaine, toi tu participes à la nature divine. Par le sacrement du baptême, tu es devenu temple du Saint-Esprit. Garde-toi de mettre en fuite, par des actions mauvaises, un hôte si précieux… car tu as été racheté par le sang du Christ. »

Ainsi en célébrant le mystère de Noël nous sommes exhortés à vivre en conformité avec la dignité qui est réellement la nôtre. St Paul dans la 2ème lecture disait :  « La Grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. C’est elle qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d’ici-bas pour vivre dans le monde présent en êtres raisonnables, justes et religieux… » Le mystère de Noël est donc un appel à nous en remettre à ce Dieu qui ne cesse de nous façonner à son image, puisqu’en devenant l’un de nous, il a déposé dans la fragilité de notre nature mortelle le germe de son immortalité. C’est une invitation à la confiance en ce Dieu qui a modelé l’humain pour pouvoir y déposer ses bienfaits et s’est engagé à faire pleinement aboutir son œuvre.

Si donc Dieu demeure avec nous, en nous, nous voilà délivrés de l’insinuation glissée par le « serpent » de la Genèse dans l’esprit de l’homme : « Vous serez comme des dieux » Nous n’avons pas à chercher à être comme des dieux (illusion mortelle), mais à nous comporter de manière authentiquement humaine, c’est-à-dire accueillants et disponibles aux autres, tout particulièrement aux plus démunis et aux plus souffrants. C’est pour nous enseigner un tel chemin et pour nous y guider que Dieu, en Jésus né de Marie, est venu habiter nos pesanteurs humaines. C’est pour nous réconcilier avec nous-mêmes et avec les autres qu’Il nous a rejoints dans notre pauvreté, qu’il a pénétré le tréfonds de nos cœurs, de nos peurs, de nos blessures. Oui, Jésus, le fruit béni du sein de Marie, venu partager notre condition humaine marquée par tant de violences et de tourments est vraiment notre Consolateur, notre Espérance, notre Sauveur.

Noël, la fête des cadeaux ! Mais combien savent la raison de cette coutume ?… C’est parce que Dieu, le premier, nous a offert un cadeau. Ou plutôt, c’est parce que Dieu s’est donné à nous en cadeau. Un cadeau tellement précieux, tellement inimaginable que nous n’aurons jamais fini d’en découvrir la valeur, de nous en émerveiller… et d’en vivre. Car, ce que nous célébrons à chaque Noël n’est pas une histoire du passé. C’est prodigieusement actuel. Aujourd’hui Dieu se donne à nous en Jésus. Dieu s’offre à nous comme un petit, un pauvre, un obscur nouveau-né, pour nous faire découvrir qu’il est bien réellement là, avec nous, dans la fragilité de l’existence humaine, dans les joies les plus intenses, comme dans les circonstances les plus difficiles de nos vies.

Un grand et beau cadeau qui porte en lui la joie. Oui, pour tous ceux qui, sans calcul, prennent le risque d’accueillir en eux cet enfant et de vivre en cohérence avec son évangile de l’Amour, est promis une joie que le monde est incapable de comprendre ou même d’imaginer. « Ne craignez pas, dit l’ange aux bergers, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur. »

Frères et Sœurs, réjouissons-nous ! Le Seigneur est avec nous pour toujours. Nous sommes les bénis de Dieu. « Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’Univers ! »

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Messe du Jour de Noël 2017

 

Isaïe 52, 7‑10             Hébreux 1, 1‑6                Jean 1, 1‑18                          Homélie de P. Jean-Marc

 

« Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu… Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous… »

Ce que St Jean nous livre ainsi au tout début de son Evangile est infiniment mystérieux, mais tellement fondamental qu’il nous faut sans cesse y revenir. Ce “Prologue” joue par rapport au reste de l’Evangile le même rôle que l’Ouverture dans un opéra. Il contient déjà tous les thèmes de l’Evangile. Mais permettez-moi de faire un détour un petit détour en reprenant une phrase de la Lettre aux Hébreux que nous avons eu en 2ème lecture : « Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes, sous des formes fragmentaires et variées. Mais dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous parlé par le Fils. » Tout ce que Dieu n’avait cessé de dire depuis des siècles à travers les multiples langages humains des prophètes, des mystiques et des saints, il nous le dit à Noël en une seule parole, Jésus-Christ, son Fils.

A ce propos, notre Père St Bernard a une belle expression : « Dans l’enfant de la crèche, Dieu nous transmet son Verbe abrégé », c’est-à-dire sa Parole condensée, concentrée. Dans ce petit bout d’homme que la Vierge Marie vient de mettre au monde, nous avons tout.

Avec lui, en lui, Dieu nous livre l’intégralité de ce qu’Il veut nous dire en un message que l’on pourrait dire « compact ». Nous pouvons alors affirmer que toutes les paroles, toutes les révélations et visions qui, depuis les origines du monde jusqu’à la consommation des siècles, nous transmettent quelque chose de Dieu se retrouvent intégralement dans cette définitive et absolue Parole de Dieu qu’est Jésus-Christ le Fils de Dieu devenu homme.

Dans un texte très fort que nous aurions tous intérêt à bien garder en mémoire, saint Jean de la Croix écrit dans « La Montée du Carmel : « Concluez donc que désirer maintenant avoir des visions et des révélations, ce n’est pas seulement faire une sottise, c’est offenser Dieu, puisque par là nos yeux ne sont plus uniquement fixés sur le Christ, mais cherchent des choses nouvelles. Dieu en effet, pourrait nous répondre : Je vous ai dit tout ce que j’avais à vous dire par la Parole qui est mon Fils. Je n’en ai pas d’autre qui puisse révéler ou répandre quelque chose qui soit plus que cela. Fixez donc les yeux sur lui seul, car en lui, j’ai tout établi, en lui j’ai tout dit, tout révélé, et vous trouverez là bien plus que tout ce que vous désirez et demandez. »

Voilà le paradoxe de Noël. En un tout-petit, un « enfant » (in-fans : qui ne parle pas), Dieu nous dit tout. On risque toujours de se laisser prendre au piège des discours, de se laisser séduire par de belles paroles, d’être ballotté au gré des multiples idéologies qui agitent le monde. Tout cela n’est la plupart du temps qu’illusion, du vent, du toc… alors que la Parole essentielle, vitale, définitive, nous est donnée par ce tout petit, dans les bras de Marie. C’est lui qu’il faut écouter avec l’oreille de notre cœur, qu’il faut contempler avec les yeux de l’amour, qu’il faut, par la foi, prendre dans nos bras. En fait, devant lui nous ne pouvons que laisser tomber toutes nos grandes et belles idées, nos masques et nos déguisements, nos armures et nos duretés, pour nous faire tout petits, simples et vrais.

Jésus nous le dira avec force : Si nous voulons entrer dans son Royaume, il nous faut l’accueillir, lui Jésus, comme un enfant. Devenir simples, légers, comme un enfant. S’il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume, c’est tout simplement parce que le riche, encombré du fatras de ses richesses, gonflé de son importance, ne peut que se heurter à une porte trop petite et trop étroite. La seule issue est de faire comme le serpent qui se défait de sa vieille peau, il faut passer par la fente étroite du rocher (comprenez : l’Évangile qui nous travaille et nous rabote) afin de laisser derrière nous tout ce qui est de trop et alourdit notre marche.

Noël, c’est toujours émouvant, intime. Mais Noël ne peut devenir pour nous une parole d’espérance et de liberté que si nous acceptons de voir l’Enfant et sa Mère avec le regard de la foi. Car, à vues humaines, rien n’est moins évident que cet enfant dans une crèche. Et cependant, pour qui accepte de l’accueillir comme la Parole définitive, totale, unique que Dieu nous adresse dans son Amour, quelle Lumière, quelle vie !

« En Lui était la vie, était la Lumière des hommes. » « Le Verbe est la vraie Lumière qui éclaire tout homme venant dans ce monde. »

A ceux qui veulent bien recevoir cette Lumière, en s’émerveillant du Don que Dieu leur fait, alors tout devient Lumière, tout devient Vie… comme cette pierre, à première vue tout ordinaire et sans valeur, qui sous les coups de qui le taille livre un diamant étincelant de mille feux.

« Dieu, personne ne l’a jamais vu. Le Fils unique , qui est dans le sein du Père, c’est lui qui nous le fait connaître. »

 

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