Homélie pour le 2ème dimanche de l’Avent 2017 – année B par Dom Jean-Marc

Abbaye d’Acey, dimanche 10 décembre 2017

 

2ème dimanche de l’Avent 2017 – année B

Isaïe 40, 1-5.9-11              II Pierre 3, 8-14              Marc 1, 1-8                  Homélie de P. Jean-Marc

“Une voix crie dans le désert…” Comme vous le savez cette expression, devenue proverbiale, signifie que personne n’écoute. Et pourtant, nous dit l’évangéliste, les foules venaient à Jean et se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain.

Voilà bien l’étonnant ! Cette voix qui crie”’ dans le désert se fait entendre des foules et les provoque à la conversion. Mais il est vrai que ce n’est pas n’importe quelle voix ! C’est celle du Baptiste, saisi par l’Esprit Saint dès avant sa naissance, l’homme du désert, dépouillé de tout, qui ne possède que la Parole, ou plutôt qui est possédé par la Parole de Dieu. Voilà pourquoi sa voix porte, par delà le désert, jusqu’au cœur de ses contemporains.

En réalité, ce n’est pas la voix de Jean-Bapiste, mais la Parole qu’il proclame qui rejoint le cœur des humains. La Parole venue de Dieu qui a fait irruption en sa vie et dont il est désormais le porteur et le témoin. Jean n’est même qu’une bouche qui crie (c’est ainsi que le représente le peintre Arcabas). Une bouche qui prête sa voix à la Parole : « Je suis la voix de Celui qui crie dans le désert. » dira-t-il en Jn 1, 19 quand on lui demande de décliner son identité.

Et tandis que les discours et les grandes déclarations des puissants de ce monde se perdent au milieu du vacarme et des agitations stériles du monde, la voix de Jean-Baptiste retentit et permet aux cœurs assez disponibles de pouvoir être atteints par la Parole de Dieu. Car les foules qui viennent à lui pour se faire baptiser ne recherchent pas de beaux sermons, mais le pardon de leurs péchés.

Dans ce monde clos sur lui-même, sur ses violences, ses injustices et ses drames (monde de toutes les époques et de toutes les générations — le nôtre tout autant que celui de Jean-Baptiste) retentit la Parole de Dieu. Et même si les hommes cherchent par tous les moyens à étouffer la Parole, cette Parole ne peut être réduite au silence car elle seule est capable de sauver l’humanité de ses pulsions de néant et de mort et de la faire accéder à sa véritable dignité et à la liberté. Voilà ce que l’Evangile nous révèle ainsi comme leçon permanente valable tout au long des siècles et jusqu’à aujourd’hui.

Une telle affirmation procède évidemment de la foi. Elle ne peut d’ailleurs que provoquer incompréhension et dérision chez ceux qui récusent toute transcendance. Par contre, elle est source d’espérance et de courage pour tous ceux qui ont le cœur assez pauvre et libre pour accueillir l’irruption de Dieu au milieu du monde et de laisser l’initiative à son Esprit Saint. Tous ceux qui, à l’écoute de l’appel qui retentit dans leur vie s’engagent sur un chemin de conversion afin de préparer et hâter l’avènement du Règne de Dieu.

Oui, il y a urgence à préparer le chemin du Seigneur ou plus précisément, le chemin “au” Seigneur, car il vient… et d’aller, le cœur joyeux, à sa rencontre. Comme le disait le Pape émérite Benoît XVI : « Pour nous tous, il n’existe pas d’autre moyen de trouver Dieu que d’aller de l’avant pour le rencontrer, Lui qui vient et qui demande que nous nous mettions en route. »

Ici se pose la question centrale : Croyons-nous vraiment qu’il vient ?… Et, autre question qui découle de la première : Désirons-nous ardemment sa venue dans nos vies, comme au cœur de notre monde  ? Ce ne sont pas des questions anodines, car elles nous concernent personnellement et nous rejoignent en profondeur.

Comme le soulignait l’Apôtre Pierre dans la seconde lecture, l’usure du temps ainsi que les épreuves et malheurs personnels et collectifs qui crucifient notre monde contestent et exercent rudement notre espérance. “Le Seigneur n’est-il pas en retard pour tenir sa promesse ?” Le Jour du Seigneur, si clairement annoncé par les Ecritures, n’est-il qu’un rêve décevant ?…

La bonne réponse nous est donnée par St Pierre : “Le Seigneur n’est pas en retard pour tenir ses promesses… S’il patiente, c’est pour nous… afin que tous aient le temps de se convertir.” Et il exhorte alors les hommes et les femmes d’espérance à être (à la suite de Jean-Baptiste) des témoins de ce qui va advenir : “Voyez quelle sainteté de vie, quel respect de Dieu vous devez avoir !”

S’il est juste et bon de célébrer la naissance de Jésus à Bethléem et d’en faire un temps de réjouissances et de convivialité, nous serions bien à plaindre d’envisager Noël uniquement comme un événement du passé. Nous passerions à côté de l’essentiel de ce Mystère de bonheur et de vie toujours neuf et toujours actuel. Car Noël, c’est le Christ qui vient à nous chaque jour pour naître en nos vies. Comme le dit Angelus Silesius : « Si Jésus n’est pas né en toi, à quoi bon sa naissance à Bethléem. »

 Préparons donc les chemins du Seigneur et, pour ce faire, aplanissons sa route. Alors : « Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline abaissées, les passages tortueux deviendront droits et les routes déformées seront aplanies. » Et si ce programme semble par trop dépasser nos capacités, n’oublions pas que le Seigneur travaille en nous et avec nous, et qu’il saura suppléer à nos manques et à nos défaillances par la force de son Esprit. L’Esprit que nous aimons invoquer ainsi : « Lave en nous ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé, assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé. » (séquence de la Pentecôte).

Assuré que Dieu ne peut décevoir ceux qui comptent sur lui et s’appuient sur la fidélité de son amour, je reprends volontiers, en guise de conclusion, les mots merveilleux que St Paul adressait aux chrétiens de Philippe : « Je suis persuadé que Dieu qui a si bien commencé son œuvre en vous, la mènera à bonne fin pour le jour du Christ Jésus ! »  (Phil. 1)

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