Homélie pour la solennité de l’Epiphanie 2025 par Mgr Jean-Luc Garin évêque de Saint-Claude

Mgr Jean-Luc GARIN
-Abbaye d’Acey – Solennité de l’Épiphanie
Dimanche 5 janvier 2025

Avec les Mages, pèlerins de l’Espérance

Cette fête de l’Épiphanie qui nous fait entrer un peu plus dans l’année jubilaire nous permet de mettre nos pas dans ceux des Mages qui sont, pour reprendre le thème du jubilé, des « pèlerins de l’Espérance ».

Ce thème du jubilé, « Pèlerins de l’Espérance », me rappelle un chant que j’aime beaucoup et que nous chantions pendant des marches de nuit, lorsque j’étais scout :

Lorsque le soir se fait sombre
j’entends le petit oiseau
gazouiller là-haut, dans l’ombre,
sur la branche au bord de l’eau.
Il me dit : « Reprends courage,
l’espérance est un trésor
même le plus noir nuage
a toujours sa frange d’or. »
Se mettre en route !

Les Mages sont des pèlerins car ils se sont mis en route ! Ces Mages ont entrepris un long voyage pour venir adorer le Roi des Juifs. Ce n’est pas le nuage, mais l’étoile qui a déployé pour eux sa frange d’or !

Déjà, il y a quelques jours, les bergers s’étaient transformés en « pèlerins de l’Espérance ». Ils se dirent « allons à Bethléem », et le texte d’ajouter : « Ils se hâtèrent d’y aller » (Lc 2,15.16). Il en va de même pour le vieillard Syméon. L’évangéliste Luc nous dit que, « sous l’action de l’Esprit, Syméon vint au Temple. ». Lui aussi s’est mis en route. Les quelques kilomètres parcourus par les bergers, les milliers de kilomètres parcourus par les Mages ou les quelques pas faits par Syméon ont fait d’eux des pèlerins d’Espérance. Pendant ce temps de Noël, nous sommes appelés à nous mettre en route avec eux.

Un signe d’espérance, une parole d’espérance qui met en route

L’espérance est donc incompatible avec la sédentarité, la sédentarité physique ou spirituelle, voire la sédentarité pastorale. Nous le savons depuis Abraham, le premier qui s’est mis en route, lui qui « espérant contre toute espérance » (Hb 4,18), fut le premier pèlerin de l’Espérance.

Mais, qu’est-ce qui a permis aux bergers de se faire pèlerins ? Qu’est-ce qui a permis aux Mages d’entreprendre ce long périple ? Quel a été le déclic, l’étincelle qui a allumé en eux le désir de quitter leur confort pour se mettre en route ?

Pour les premiers, ce fut une parole d’espérance, une parole prononcée au cœur de la nuit, par les anges, une bonne nouvelle qui indique que l’Espérance a pris chair dans l’enfant de la crèche : « aujourd’hui, il vous est né un sauveur ! » Malgré la nuit, les bergers se sont mis en route…

Pour les seconds, c’est un signe d’espérance : une étoile qui brille dans l’obscurité ! Une étoile qui va les guider tout au long du chemin. Il y a quelque chose de très intéressant à méditer. Dieu n’a pas donné aux Mages le signe d’un soleil resplendissant dans un ciel azur, mais une étoile dans la nuit. La présence de Dieu dans ce monde n’est pas un signe fulgurant, mais un astre dans la nuit. Pour suivre cet astre, les Mages ont dû marcher de nuit. Ils ont dû consentir à marcher dans l’obscurité pour trouver le Messie. Nous approchons de la spiritualité de saint Jean de la Croix : « dans la nuit obscure, moi je la connais la source, mais c’est de nuit ».

L’Espérance a un visage

Même si les bergers ou les Mages marchaient de nuit, ils ne marchaient pas sans but. Ils cherchaient quelqu’un.

Leur espérance n’a pas été déçue. Leur pèlerinage les a conduits vers la crèche. Les bergers « découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. » (Lc 2,16). Les Mages, eux, « virent l’enfant avec Marie sa mère » (Mt 2,11). Leur longue marche, leur pèlerinage s’accomplit ici dans l’adoration du Nouveau-Né bercé dans les bras de Marie. Pour eux comme pour nous aujourd’hui, l’espérance a pris un visage d’homme.

L’Espérance ne déçoit pas

Alors, chers frères et sœurs, comment cette fête de l’Épiphanie peut-elle nous aider à cultiver cette vertu théologale qu’est l’Espérance ? À prendre la main de la « petite fille Espérance » comme le disait Péguy ?

Je voudrais vous partager brièvement quatre pistes, quatre convictions :

  • Je ne suis pas seul. Si les religions païennes mettaient Dieu au ciel et l’y laissaient, l’incarnation du Verbe nous fait contempler l’Emmanuel, Dieu avec nous. Comme le disait le pape François, dans son homélie de la nuit de Noël : « Si Dieu vient, même lorsque notre cœur ressemble à une pauvre mangeoire, alors nous pouvons dire : l’espérance n’est pas morte, l’espérance est vivante, et elle enveloppe notre vie pour toujours ! L’espérance ne déçoit pas. »
  • Dieu agit puissamment dans ce qui est humble ! L’infiniment grand s’est fait petit, le Très-Haut s’est fait très bas ! Le bien ne fait pas de bruit. Dieu préfère allumer des étoiles dans nos nuits plutôt que de s’imposer à nous sous la forme d’un grand soleil.
  • Dieu pardonne abondamment et nous appelle à faire de même. Le Père du ciel a déposé dans la crèche la source du Pardon, le Sauveur du Monde. Il nous invite à accueillir son salut, son pardon et à en témoigner autour de nous. C’est le cœur de l’année jubilaire qui est une année de grâce et de bienfaits où nous sommes appelés à vivre plus encore du pardon et nous-même à être des artisans de réconciliation dans nos familles et dans notre encourage. C’est le sens des portes saintes qui ont été ouvertes à Rome. Le cœur du Christ est ouvert pour pardonner « à tous, tout, et tout le temps », comme l’a redit à plusieurs reprises le Saint-Père à Ajaccio. Que le Saint-Esprit nous aide à pouvoir l’expérimenter personnellement et aussi à être des artisans de ce pardon.
  • L’Espérance grandit à la mesure dont on en témoigne. Prononcer des paroles d’Espérance et poser des signes d’Espérance auprès de ceux qui en ont le plus besoin. La pape François nous invite, dans cette année jubilaire, à multiplier les « initiatives qui redonnent espoir » : « Au cours de l’Année Jubilaire, dit le pape François, nous serons appelés à être des signes tangibles d’espérance pour de nombreux frères et sœurs qui vivent dans des conditions de détresse. » Et, pour le pape François, ceux qui ont prioritairement besoin de recevoir ces paroles et ces signes d’espérance, ce sont les prisonniers, les malades, les jeunes, les migrants, les personnes âgées, les pauvres.

Chers frères et sœurs,

L’Espérance n’est pas un vœux pieux qui nous ferait chanter « ça ira mieux demain ! » L’optimisme ou l’espoir sont des attitudes humaines. L’espérance est autre chose : c’est un don, c’est un cadeau de l’Esprit Saint : « l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » dit Paul.

Pour être des pèlerins de l’Espérance, nous avons encore mieux que l’étoile qui a guidé les Mages, nous avons l’Esprit Saint ! Qu’il soit notre guide tout au long de cette année jubilaire, et pendant notre pèlerinage sur la terre, nous qui, comme nous le disons à chaque messe, attendons et cheminons vers cette Bienheureuse Espérance : l’avènement de Jésus notre Sauveur. Que cette année jubilaire nous aide à avancer vers lui.

« Reprends courage,
l’espérance est un trésor
même le plus noir nuage.
a toujours sa frange d’or. »

+ Jean-Luc Garin


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