Redoutable tâche que celle de confronter les événements actuels du monde avec la lumière du Christ ressuscité. Je veux bien m’y risquer en ayant conscience des limites de mon propos. Le chrétien attend une parole à longue portée pour oser palper comme Job le poids de la souffrance et l’énigme du mal sans blasphémer son Créateur et sans mettre en doute que Dieu est Amour. Seule la Parole de Dieu est capable de relever un tel défi.
Le jour où les Russes ont envahi l’Ukraine, je suis tombé sur un texte du Cardinal Lustiger qui me parait être la seule réponse aux violences du monde actuel. En voici un extrait « Nous ne pourrons pas faire justice si nous fuyons le Christ, car sans cesse dans le monde, le mensonge, le péché et la mort sont à l’œuvre. Nous avons affaire à forte partie, à la plus forte partie qui soit, à la mort, à l’argent et à la puissance. Et nos armes, quelles sont-elles? Le Christ seul. Nous qui sommes là, par grâce, nous avons été appelés et choisis par Dieu pour être en ce temps le Christ à l’œuvre en ce monde. La vie du Christ en nous est la seule arme que Dieu donne… » Paroles percutantes pour un chrétien.
Il y a aussi des paroles de Saint Paul qui résonnent ici d’une façon extraordinaire: « Armez- vous de force dans le Seigneur; revêtez l’armure du Christ! Non pas contre l’Homme, mais contre les puissances du mal qu’il vous faut affronter. Prenez le bouclier de la Foi, mettez le casque du Salut, la Vérité pour ceinturon; saisissez le glaive de l’Esprit qui est la Parole de Dieu. »Tel doit être l’équipement de tous ceux qui suivent l’Agneau de Dieu. Leur seule demeure, c’est de demeurer dans le cœur ouvert de leur Sauveur. Ainsi lovés dans la fente du cœur de leur Bien-Aimé, ils apprennent à lire ce cœur sans détourner les yeux. Eux savent que le mal du monde ne peut être consumé que dans le face à face avec Jésus, avec sa Croix et avec son Esprit.
Dans un passage d’évangile relatant la Résurrection du Christ, Jésus apparaît à ses disciples et leur dit: « La paix soit avec vous! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Le temps de prononcer cette courte phrase, combien dans le monde auront péri par le fait de la guerre, de la malnutrition, de maladies pourtant curables, de la violence ou d’autres misérables raisons dont la litanie serait longue à égrener. Chaque année, ces calamités exterminent des millions d’enfants. Oui, nous éprouvons une peine infinie à songer qu’à cette heure même d’autres hommes, laminés par l’épreuve, broyés par l’événement, usent leurs dernières forces à essayer d’éclaircir dans les larmes, ce que c’est que d’être homme au milieu de l’immense dureté sauvage des choses.
Nous sommes tous aux prises avec la réalité d’une humanité brisée. Nous ne sommes plus isolés dans de petits villages, ignorant ce qui se passe dans le reste du monde. Nous pouvons voir les images de la souffrance et de la mort, tout en buvant une bière, confortablement installés, après avoir soigneusement fermé nos portes pour nous protéger contre toute intrusion, un peu comme les apôtres après la mort de Jésus. Aujourd’hui, à l’aube de ce troisième millénaire, il semble y avoir si peu d’espérance: nous vivons dans la violence et le désespoir et, en vérité, il faut être fou pour ne pas désespérer. Et pourtant, oui, pourtant, saint Jean l’atteste dans son épître : « nous sommes vainqueurs du monde par la Foi. » Le chrétien croit que Jésus est vainqueur, par sa Résurrection, de toutes les puissances du pourrissement et de la mort, de toutes les puissances de la haine, de la séparation et du péché, de toutes les puissances des mauvais esprits.
Jésus remonte du tombeau pour changer la peur en confiance, pour abattre les murs qui séparent les peuples ennemis, pour réconcilier et unifier le corps brisé de l’humanité.