Vendredi Saint : homélie de frère Jean-Marc sur la Passion selon St Jean

Abbaye d’Acey  –  vendredi 29 mars 2024

Vendredi Saint 2024 – Célébration de la Passion du Seigneur

Isaïe 52, 13 à 53, 12           Hébreux 4, 14-16 ; 5, 7-9           Jean 18, 1à 19, 42                   Homélie de F. Jean Marc

Au terme de ce long récit de la Passion du Seigneur Jésus, tout commentaire peut sembler dérisoire.  Et cependant, le Mystère célébré nous dépasse tellement qu’il n’est peut-être pas inutile de le méditer ensemble.

A Pierre qui vient de blesser le serviteur du Grand Prêtre,Jésusdit : « La coupe que m’a donnée le Père vais-je refuser de la boire ? ». Et à Pilate : « Si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. »

Ainsi, à deux reprises, Jésus récuse clairement toute intervention des hommes ou du Ciel qui l’empêcherait d’aller jusqu’au bout de sa Passion. Car, pour lui, la Croix n’est pas le fait du hasard, un drame absurde qu’il aurait pu éviter. La Croix est le Chemin que le Père lui demande de prendre pour manifester aux hommes jusqu’où va son Amour : « Le Christ est devenu obéissant, jusqu’à la mort, et la mort de la Croix. » Il ne peut fuir cette Croix, et la mort atroce qu’elle provoque, sans trahir la mission qu’il a reçue de son Père et sans renier sa propre identité divine.

Oui, en la personne de Jésus Dieu ne fait pas semblant d’aimer. Il ne se présente pas en spectateur lointain et impassible de nos malheurs. Bien au contraire, en acceptant de prendre un chemin de croix et de mort, Jésus s’engage dans une solidarité radicale avec tous les damnés de la terre.

 « Jésus, Toi notre bien-aimé Frère et Seigneur ! Si tu avais refusé cette coupe amère, que serions‑nous devenus ?… Nous serions alors (comme l’avait prophétisé Isaïe bien des siècles auparavant), tous errants comme des brebis sans berger, perdus au milieu des ténèbres. Nous succomberions sous le fardeau trop lourd de nos épreuves et de nos peines. Mais savoir que tu es passé par là est pour nous un intense réconfort et  une immense espérance ! » 

Oui, Frères et Sœurs, avec toute l’Eglise et la multitude des martyrs qui ont subi les pires tourments, nous osons affirmer que la Croix du Christ est pour nous source de force et de paix. Elle jette une lumière pleine d’espérance sur tant de vies crucifiées. Voilà pourquoi cette Célébration de la Mort du Seigneur n’a rien de lugubre ou d’angoissant.

Pour autant, lorsque nous acclamons la Croix du Christ comme notre gloire et notre victoire, n’oublions pas trop vite qu’elle fut pour Jésus lui‑même un atroce instrument de supplice. De ce supplice, rien ne lui fut épargné. C’est en acceptant de pleinement suivre cette voie terrible ( il en suera du sang à l’avance ) que Jésus, par la puissance de l’Amour, la transforme.

La croix, instrument de supplice et de perdition, lieu de désespoir absolu, devient alors, par Jésus et avec Lui, chemin de Salut et de réconciliation. Cette muraille infranchissable qu’est la mort, et contre laquelle se brisent tant de grands esprits, se change alors en porte ouverte sur la Vie éternelle , comme si, en prenant à bras le corps la croix, Jésus inverse le signe négatif en signe positif : « Par ses blessures nous sommes guéris. »

La croix, nous ne le savons que trop, est plantée au cœur de chacune de nos existences. Nul n’y échappe !… Croix de nos souffrances physiques ou morales, croix de nos erreurs et de nos incapacités, croix de nos peurs et de nos doutes, croix de nos refus et de nos révoltes.

Instinctivement, nous la voyons comme un obstacle à éviter à tout prix, voire à nier. Mais plus nous la refusons, plus elle devient prégnante et insupportable, jusqu’à nous écraser et nous détruire.

Fixons plutôt nos regards sur la Croix du Christ… ou plutôt sur le Christ en Croix. Non pas pour nous donner du courage ou pour nous résigner… mais pour y découvrir l’issue de secours.

En prenant sur lui, toutes nos souffrances et nos douleurs, Jésus n’est demeuré étranger à aucune de nos situations de détresse. Entendez-le nous dire : « Au lieu de chercher à rejeter l’obstacle absurde de tes croix, au lieu de les fuir ou de les nier, donne-les moi avec tout l’amour dont tu es capable. Et, avec moi, fais confiance au Père. Tu verras, dans l’abîme même de ton malheur, s’ouvrir un chemin de vie et de paix. »

Oui, Frères et Sœurs, en chaque épreuve, en chaque événement douloureux, confions-nous au Seigneur. Lui pourra, non pas changer magiquement notre situation, mais tout faire concourir à notre bien.

Nous n’aurons jamais d’explication face au scandale du mal et de la souffrance. Aucune réponse, aucune consolation, ne tient devant ce mystère terrible. Le Christ lui‑même en a vécu tout le drame. Mais ce qui nous est donné ce soir, en contemplant le Christ en Croix, c’est une lumière et une force ! Nos épreuves au lieu d’être un piège mortifère, peuvent devenir, avec le Christ, chemin de Résurrection.

Christ a triomphé de la mort par son obéissance au Père. Alors, comme nous y exhortait la Lettre aux Hébreux : « Avançons-nous donc avec assurance vers le Dieu Tout-Puissant pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours. »

St Bernard avait bien raison lorsqu’il disait au Christ Jésus : « Tu portes mes douleurs, tu souffres pour moi. Tu passes le premier par le trou étroit de la passion afin d’ouvrir un chemin facile aux membres qui te suivent. »

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