dimanche 21 juillet 2019 16ème dimanche ordinaire 2019 – année C Homélie de P. Jean-Marc

Abbaye d’Acey, dimanche 21 juillet 2019

16ème dimanche ordinaire 2019  – année C

Genèse 18, 1-10a                Colossiens 1, 24-28               Luc 10, 38-42                       Homélie de P. Jean-Marc

Puisque c’est le temps des vacances, ça tombe bien !… Alors je vous emmène en Égypte, mais en un lieu qui ne risque guère d’attirer les touristes tant il est sauvage et rude.

Je veux parler du désert de Scété, là où dès la fin du troisième siècle est apparue la vie monastique chrétienne et où des hommes, puis des femmes, ont quitté les villes pour vivre dans une radicale solitude afin de consacrer leur vie à la recherche de Dieu et à la prière.

Ils fuyaient les hommes mais il y avait une chose encore plus sacrée que leur solitude et leur tranquillité, c’était l’hospitalité. Lorsque quelqu’un était de passage auprès de leurs cellules, ils faisaient alors des prodiges pour remplir le devoir sacré de l’hospitalité.

Ces premiers moines ne faisaient rien d’autre que reprendre la grande tradition de l’Orient (que nous les occidentaux nous avons largement perdus), tradition dont la première lecture nous a donné un merveilleux exemple avec Abraham, le père des croyants, notre ancêtre dans la foi. Oui Abraham, le bédouin, assis à l’entrée de sa tente au plus chaud du jour, voyant trois voyageurs qui passent par là, leur offre un magnifique accueil.

Certes, en Orient l’hospitalité a toujours été sacrée parce qu’on a la conviction qu’en recevant l’étranger, l’inconnu, c’est en quelque sorte Dieu lui-même que l’on accueille.

Conviction qui avec la naissance de Jésus va prendre une tout autre dimension et un réalisme incomparable puisque, en tant que chrétiens, nous confessons qu’en Jésus-Christ Dieu a pris corps et visage d’homme. Jésus lui-même l’affirme : « Qui vous accueille m’accueille, et qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé. » et encore : « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli… »

Désormais en toute personne – même la plus blessée et la plus insignifiante – qui vient à nous ou que l’on croise dans la rue, c’est Jésus que l’on accueille ou que l’on rejette. Saint Benoît ira jusqu’à dire que lorsque quelqu’un se présente à la porte du monastère il faut se prosterner devant lui pour adorer en lui le Christ présent.

Cet accueil de Jésus, l’évangéliste saint Luc le met particulièrement en lumière avec l’épisode inoubliable de l’hospitalité de Marthe et de Marie. Les deux sœurs accueillent Jésus en leur maison de Béthanie, et comme Abraham leur accueil est généreux, empressé, à tel point que Marthe, toute accaparée par les multiples occupations du service s’agite et s’épuise… jusqu’à apostropher Jésus parce que sa sœur Marie la laisse faire tout le boulot.

Si, lorsque nous lisons cet épisode de l’accueil de Marthe et de Marie, nous en restons à l’opposition, si souvent exprimée par le passé, entre action et contemplation, ou entre engagement et prière, nous passons complètement à côté de ce que l’Évangile veut nous dire. Accueillir Jésus dans notre vie ce n’est certainement pas en restant béatement assis et en laissant les autres agir à notre place. Car nous savons bien qu’on ne peut se prétendre chrétien sans un engagement concret de notre foi. L’apôtre Saint Jacques dira : « La foi sans les actes est tout à fait morte. »

Aussi lorsqu’il nous est dit que Marie, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole, ne l’imaginons surtout pas comme une espèce de mystique complètement déconnectée du réel.

En réalité, alors que Marthe, par son activisme, se demande ce qu’elle va bien pouvoir faire pour Jésus, sa sœur Marie, dans une démarche inverse, se demande ce que Jésus va faire pour elle.

Ainsi cet Evangile de Marthe et Marie nous oblige à une conversion. Il nous faut changer nos perspectives afin de ne plus mettre la charrue avant les bœufs. Ce qui doit être premier ce n’est pas ce que nous faisons pour le Seigneur – même avec beaucoup de générosité – mais ce que Lui fait pour nous. Donc, non pas nous dépenser sans compter pour le Seigneur, mais nous laisser travailler par Lui.

Il s’agit donc d’un changement complet de perspective. Ce que l’on pourrait appeler une révolution copernicienne. Car, le plus souvent, dans notre manière d’agir nous sommes semblables à ceux qui imaginaient que la terre était au centre de l’univers et que le soleil tournait autour d’elle. Nous aussi, quand nous prions, nous avons tendance à nous placer au centre, et alors à pousser le Seigneur à la marge.

 La prière nous apprend – le plus souvent à nos dépens – à opérer ce changement de perspective, cette conversion de nos mentalités. Si nous avons tant de mal à demeurer en silence devant le Seigneur, sans rien faire, c’est que nous fonctionnons comme Marthe. Comme elle, nous cherchons “à faire des choses” pour le Seigneur. Alors, selon cette perspective, nous tenir aux pieds de Jésus, écouter sa parole et nous nourrir de sa présence, comme Marie, paraît être une perte de temps, alors qu’il y a tant d’urgences dans notre société comme dans l’Église, tant de détresses à secourir, tant de solidarités à vivre.

Saint-Paul nous disait dans la seconde lecture : « Le Christ est parmi vous lui, l’Espérance de la gloire ! » C’est de Lui que nous devons témoigner, c’est Lui que nous devons rayonner par nos vies en Le choisissant comme notre “meilleure part”. Et cela ne peut se faire qu’en “perdant” du temps pour Lui dans une attention amoureuse à sa présence et une écoute savoureuse de sa parole.

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