Abbaye Notre-Dame d’Acey, dimanche 30 juillet 2017
17ème dimanche ordinaire – année A – 2017
Sagesse 12, 13.16-19 Romains 8, 26-27 Matthieu 13, 24-4 Homélie de F. Jean-Marc
Si la question posée par Dieu à Salomon nous était personnellement adressée : « Demande ce que je dois te donner. », qu’elle serait notre réponse ? Que choisirions-nous ?…
Je me trompe peut-être, mais je pense que parmi la grande diversité de nos réponses, il y en a une qui ne serait quasiment jamais nommée. Je veux parler du “Royaume des Cieux”
Cela se comprend ! “Le Royaume des Cieux” est si éloigné de nos préoccupations quotidiennes, des mille soucis que nous avons en tête et des problèmes à résoudre concernant notre vie professionnelle et familiale.
Et puis, comment nous le représenter ?… Voilà pourquoi d’ailleurs Jésus, dont toutes les paroles et les actes n’ont d’autre raison d’être que de nous familiariser avec cette réalité du Royaume des Cieux, a si souvent recours aux paraboles qui s’inscrivent dans les situations quotidiennes et les activités humaines les plus communes. Ainsi, aujourd’hui, ces trois courtes histoires qui mettent en scène trois métiers : un agriculteur qui en travaillant son champ tombe par hasard sur un trésor ; un négociant de perles fines qui en trouve une exceptionnelle ; un artisan pêcheur qui doit faire le tri dans tout ce que ramène son filet.
Mais ces petites scènes familières décrites par Jésus n’ont pas seulement pour but de nous servir d’exemples concrets pour illustrer une réalité étrange et abstraite. Elles nous disent surtout que ce fameux Royaume des Cieux, que nous aurions tendance à nous imaginer comme hors de notre monde, se situe au contraire au cœur de notre vie humaine. « Le Royaume de Dieu est au milieu de vous. » dira Jésus. Cela signifie qu’on ne peut faire l’économie de nos engagements et relations humaines pour entrer dans le Royaume des cieux. Ce n’est qu’à travers eux et par eux que nous y accédons. D’où l’insistance de Jésus, et de toute la Tradition de l’Église après lui, sur le lien fondamental entre notre foi en Dieu et nos relations et engagements humains : « Celui qui dit j’aime Dieu et qui n’aime pas son frère est un menteur. »
Faisons un pas de plus : Le Royaume des Cieux n’est pas un monde parallèle au nôtre, ou un arrière monde, vers lequel il nous faudrait un jour émigrer à l’heure de notre mort (à la manière des astronautes passant de notre planète à une autre). Car à la différence de ce monde dans lequel nous évoluons, le Royaume des Cieux ne relève pas de l’univers créé et n’est donc pas une réalité inscrite dans l’espace et le temps. Sainte Thérèse de l’enfant Jésus disait : « Le ciel, je l’ai trouvé. Car le ciel c’est Dieu, et Dieu est en mon âme. » On peut donc dire : le Royaume des Cieux (ou le Ciel) c’est la présence de Dieu même. Présence qui seule peut combler notre soif de bonheur et d’amour.
Pour y avoir accès il n’est d’autre chemin que celui qui en provient, Jésus le Christ, et qui, en tant que « Dieu-avec-nous », est seul en mesure de nous le faire connaître et de nous y faire accéder : « Nul ne va au Père sans passer par moi. » Ou encore : « Nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils. »
Voilà pourquoi, pour reprendre les images de l’Évangile de ce dimanche :
– Jésus est le trésor caché au plus profond de notre vie,
– Jésus est la perle fine de grande valeur,
Trésor et perle si précieux que celui qui les découvre est prêt à tout donner en échange.
C’est ici qu’il nous faut entendre la troisième parabole : « Le Royaume des cieux est encore comparable à un filet que l’on jette dans la mer et qui ramène toutes sortes de poissons ». Ce qui nécessite un tri sur le rivage : « On s’assied, on ramasse dans les paniers ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien. »
Autrement dit, si Jésus est vraiment Celui qui nous introduit dans la vie du Royaume ; s’il est même, en personne, « le Royaume des Cieux », il doit avoir la première place dans nos vies, et il ne peut être mis sur le même plan que les réalités transitoires et éphémères de nos existences. C’est ainsi que Saint Benoît, notre Père en la vie monastique, nous demande de n’avoir rien de plus cher que l’amour du Christ. Exigence qui ne concerne pas seulement les moines, mais tout baptisé !
D’où l’importance du discernement (ou tri) pour ne pas nous tromper d’objectif et éviter de donner la priorité à ce qui n’est qu’accidentel et provisoire, Nous l’entendions encore hier avec l’épisode de la visite de Jésus à ses amis de Béthanie, Marthe, Marie et Lazare. Alors que Marthe se dépensait sans compter à la cuisine, Marie assise aux pieds du Seigneur écoutait sa parole. C’est alors que Marthe ulcérée par l’attitude de sa sœur interpelle vivement Jésus et s’entend dire en retour : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. » (Lc 10, 41-42)
Une telle déclaration n’est en rien un encouragement au farniente, mais un rappel que dans toutes nos activités (même les plus indispensables) Jésus doit garder la première place. Il le disait à ses disciples : « Sans moi vous ne pouvez rien faire.» Car ce n’est qu’en lui et par lui que, ce que nous sommes et ce que nous vivons, peut s’épanouir et porter des fruits pour la vie éternelle.
Voilà pourquoi il nous faut graver dans la mémoire de notre cœur l’affirmation de Saint Paul entendue dans la seconde lecture : « Quand les hommes aiment Dieu (ou le Christ Jésus), lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. » (Rm 8, 28)
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