Homélie du Mercredi des Cendres 2017

N-D d’Acey – Mercredi des Cendres – 1er mars 2017

 

Joël 2, 12-18          II Corinthiens 5, 20 à 6, 2          Matthieu 6, 1-6.16-18             Homélie de P. Jean-Marc

 

Je trouve beau et éclairant ce mot de Thomas Merton : « Le mercredi des cendres est rempli de la légèreté de l’amour. »

Car la démarche à laquelle nous sommes invités une nouvelle fois au seuil de ce Carême ce n’est pas de nous charger d’un fardeau, de nous contraindre à des observances plus rigoureuses, mais de tout renouveler dans l’amour, l’amour dont saint Benoît nous assure qu’il dilate le cœur et nous permet de courir, légers et joyeux, dans la voie des commandements de Dieu.

C’est exactement ce que Jésus nous disait dans l’Évangile qui vient être proclamé : une relation renouvelée dans l’amour, car il ne s’agit pas de « faire », mais d’être… d’être présents à notre Père qui est là au plus secret de notre cœur et qui mendie notre amour comme un pauvre : « Donne-moi ton cœur. J’ai soif de ton amour. »

Voilà l’authentique conversion chrétienne : nous tourner vers notre Dieu qui, le premier, s’est tourné vers nous pour nous combler de son amour.

Trop souvent nous nous situons vis-à-vis du Seigneur en ayant pour centre de gravité nous-mêmes. Nous faisons, nous agissons, nous avons l’initiative… alors qu’il nous faut opérer cette conversion, ce déplacement pour donner la priorité à l’action de l’Esprit du Seigneur en nous.

Le Carême sera alors une fête de l’amour pour laquelle il vaut la peine « de nous parfumer la tête et de nous laver le visage ». En d’autres termes, nous faire toute capacité pour sortir de nos mauvaises tristesses qui nous paralysent et nous replient sur nous-mêmes.

Dans ce contexte, il vaut la peine de réfléchir aux raisons pour lesquelles la conduite de Jésus qui offre l’accueil et le pardon de Dieu provoquent le scandale et l’indignation des bien-pensants comme des élites religieuses de son époque. Pourquoi ?

Le pardon offert aux pécheurs n’était pourtant pas une nouveauté en Israël. Il suffit de lire les Ecritures. Le peuple juif croit au pardon de tous les péchés, même les plus graves, tels l’homicide ou l’apostasie. Il suffit de lire les Psaumes et les Prophètes. Ainsi dans la première lecture, Joël le prophète exhortant le peuple à revenir au Seigneur : « Revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. »

Et l’on n’en finirait pas de citer les Psaumes : « La miséricorde du Seigneur est de toujours à toujours, et son pardon est sans limite. »

Mais pour obtenir le pardon de Dieu le judaïsme impose des conditions. En premier lieu, le pécheur doit manifester son repentir par des sacrifices prescrits. Puis il doit renoncer à son éloignement de l’Alliance et revenir au respect des préceptes de la Loi. Enfin, il doit réparer les dommages causés au prochain.

Si Jésus avait ainsi agi envers les pécheurs, personne ne s’en serait scandalisé. On l’aurait au contraire admiré et applaudi.

Mais ce qui est surprenant et choquant dans la prédication de Jésus, c’est qu’il accueille sans condition les pécheurs et les exclus, sans même les soumettre à un rite pénitentiel, comme le faisait Jean-le-Baptiste. Jésus leur offre sa communion et son amitié comme le signe que Dieu les accueille dans son royaume avant même qu’ils reviennent à la Loi et réintègrent l’Alliance. Il les reçoit tels qu’ils sont et leur offre le pardon de Dieu sans exiger d’eux aucun changement préalable.

Dieu est ainsi : il n’attend pas que ses enfants changent pour leur offrir son pardon. C’est lui qui fait toujours le premier pas. J’en veux pour preuve “le père de l’enfant prodigue” qui ne cesse de guetter le retour du fils en errance. Et, au grand scandale du frère resté sagement à la maison, non seulement le comble de sa tendresse mais décide de faire une fête à tout casser. Et cela pour la seule et unique raison qu’il n’est que miséricorde.

Jésus nous place tous, pécheurs et justes, devant l’abîme insondable du pardon de Dieu. Ainsi le royaume de Dieu est ouvert à tous. Seuls en sont exclus ceux qui refusent la miséricorde, et non pas ceux qui, par leur comportement, en seraient indignes.

Voilà bien la “Bonne Nouvelle”, inimaginable et bouleversante, qui doit nourrir notre prière et susciter notre action de grâce tout au long de ce Carême : c’est notre Dieu qui toujours fait le premier pas envers nous, et qui, sans conditions, nous offre son pardon.

« Voici maintenant le moment favorable.
Voici maintenant le Jour du salut. »

 

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