Homélie de la messe du jour de Pâques par le Père Axel Isabey responsable du service « Foi et Art » du diocèse de Besançon

Résumé de l’Homélie du dimanche de Pâques du Père Axel, prêtre du diocèse de Besançon :

Pour son homélie, le père Axel, a commencé par attirer notre attention sur une des trois fenêtres de l’abside, l’une pouvant représenter, sous le dessin de Jean Ricardon, la pierre levée du tombeau du Christ.  Ce dessin de blanc et de gris pouvait évoquer le tombeau et les linges funéraires du Christ, dont la foi en la résurrection ne pouvait être attestée que par les Ecritures, celles qu’évoquent l’évangéliste Jean, quand il écrit, en parlant du « disciple que Jésus aimait » : « Il vit, et il crut ». Justement, il voyait « l’invisible », l’absent du sépulcre, mais par les Ecritures et la parole du Christ annonçant sa mort et sa résurrection, le tombeau devint le berceau de sa foi.

Des extraits de récits d’illustres pèlerins entrant dans le Saint-Sépulcre ont aussi étayé son homélie, mettant en exergue la ferveur de deux écrivains du XIXe siècle, et un troisième, bien qu’agnostique, qui semble bien avoir saisi la singularité de l’espérance chrétienne : « la personnalité, le souvenir et l’amour, sans lesquels il ne vaudrait pas la peine de revivre, persistaient après la mort, et qu’il y aurait une union sans fin aux êtres chéris. »

Le père Axel a conclu par ce vers de Victor Hugo:

« Ne dites pas : mourir ; dites : naître. Croyez. »

(Les Contemplations, livre VI)

Ci-dessous les récits des pèlerins dont son homélie a extrait quelques lignes :

François-René de Chateaubriand (1768†1848) :

Itinéraire de Paris à Jérusalem (1806 – 1807)

Après la Grèce, Chateaubriand, 38 ans, se rend en Turquie, puis se dirige vers l’Égypte et aborde, enfin, en Palestine, où il contemple avec mélancolie la sainte nudité de Jérusalem. Dans son récit se reflètent les impressions de voyage de l’homme de lettres, mais surtout du chrétien.

Accostant à Jaffa : « Je me mis à genoux et la vue du berceau des Israélites et de la patrie des Chrétiens me remplit de crainte et de respect. J’allais descendre sur la terre où, même humainement parlant, s’est passé le plus grand événement qui ait jamais changé la face du monde, je veux dire la venue du Messie. »

« Je restai près d’une demi-heure à genoux dans la petite chambre du Saint-Sépulcre, les regards attachés sur la pierre sans pouvoir les en arracher. L’un des deux religieux qui me conduisaient, l’Évangile à la main, me lisait les passages relatifs au saint tombeau. Tout ce que je puis assurer, c’est qu’à la vue de ce sépulcre triomphant je ne sentis que ma faiblesse ; et quand mon guide s’écria avec saint Paul : « Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? » je prêtai l’oreille, comme si la mort allait répondre qu’elle était vaincue et enchaînée dans ce monument. »

« J’entrai à nouveau dans l’église du Saint-Sépulcre ; le gardien Turc qui en ouvre les portes avait été prévenu de se tenir prêt à me recevoir : je payai à Mahomet le droit d’adorer Jésus-Christ. Je rencontrai un moine copte et un évêque abyssin : ils sont très pauvres, et leur simplicité rappelle les beaux temps de l’Évangile. Ces prêtres, le teint brûlé par les feux du tropique, portant pour seule marque de leur dignité une robe de toile bleue, et n’ont point d’autre abri que le Saint-Sépulcre, me touchèrent bien plus que les patriarches grecs et arméniens. »

« Je défierais l’imagination la moins religieuse de n’être pas émue à cette rencontre de tant de peuples au tombeau de Jésus-Christ, à ces prières prononcées dans cent langages divers, au lieu même où les apôtres reçurent du Saint-Esprit le don de parler toutes les langues de la terre. »

Alphonse de Lamartine (1790 † 1869) : Un voyage en Orient (1832-1833).

À 42 ans, poète honoré et homme politique, il s’embarque à Marseille avec Élisa sa femme, Julia sa fille de dix ans, trois amis, vingt hommes d’équipage, et une bibliothèque de 500 livres. Il espère que l’Orient soit profitable à son enfant malade, désire rencontrer l’Islam et voir les Lieux saints. Mais sa quête est distincte de celle Chateaubriand : « Ce grand poète est allé à Jérusalem en pèlerin et en chevalier, la Bible, l’Évangile et les Croisades à la main. J’y est passé seulement en poète et en philosophe. Et j’en ai rapporté de profondes impressions dans mon cœur. »

 « Ce tombeau est la borne qui sépare deux mondes, le monde ancien et le monde nouveau; c’est le point de départ d’une parole qui a retenti sur tout le globe : ce tombeau est le sépulcre du vieux monde et le berceau du monde nouveau; aucune tombe n’a été si féconde; aucune doctrine ensevelie trois jours ou trois siècles n’a brisé d’une manière aussi victorieuse le rocher que l’homme avait scellé sur elle, et n’a donné un démenti à la mort, par une si éclatante et si perpétuelle résurrection !

 J’entrai le dernier dans le Saint-Sépulcre, et restai longtemps, priant pour mon père ici-bas, pour ma mère dans un autre monde, pour tous ceux qui sont ou qui ne sont plus, mais avec qui le lien invisible n’est jamais rompu; la communion de l’amour existe toujours ;le nom de tous les êtres que j’ai connus, aimés, dont j’ai été aimé, passa de mes lèvres sur la pierre du Saint-Sépulcre. Je ne priai qu’après pour moi-même ; ma prière fut ardente et forte; je demandai de la vérité et du courage devant le tombeau de Celui qui jeta le plus de vérité dans ce monde, et mourut avec le plus de dévouement à cette vérité dont Dieu l’avait fait le Verbe. »

Pierre Loti (1850†1923) : un pèlerin protestant en quête de Dieu.

« Il chantait le chant des revoirs éternels. »

Auteur à succès, etagnostique qui ne se résigna jamais à renoncer à Dieu, il délaissa sa vie mondaine pour la Terre Sainte en 1894.  Ému par les paysages de l’Évangile qu’il connaissait bien (par sa famille protestante, la Bible lui est familière), ce voyage ne répondit pourtant pas à ses attentes. À l’heure des bilans, c’est la nostalgie qui l’emporte :

« Les dieux brisés, le Christ parti, rien n’éclairera notre abîme… Et nous entrevoyons bien les lugubres avenirs, les âges noirs qui vont commencer après la mort des grand rêves célestes, les démocraties tyranniques et effroyables, où les désolés ne s’auront même plus ce que c’était que la Prière… »         Pessimiste ou visionnaire ?

La Galilée, Pierre Loti, avril 1894. (Payot, 2008) :

 « Il parlait de pardon, de miséricorde infinie, en un temps où les hommes ne connaissaient que les dieux sombre, dictateurs des anciennes lois de vengeance et de sang. Il disait des choses inouïes et merveilleuses ! Nous pouvons à peine comprendre, nous qui avons maintenant au fond de nous-mêmes de si longues hérédités chrétiennes, combien étaient neuves et bouleversantes les paroles de Jésus à l’époque où il les prononçait. Auprès du puits de Sichem, quand il disait : “Le temps va venir où vous n’adorerez plus sur la montagne ni dans Jérusalem ; Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité ”, il était le premier à secouer de l’épaule cette étroite vénération des autels et des sanctuaires, qui était alors la base de toutes les religions humaines et qui subsiste encore, deux mille ans après lui, dans des âmes sans nombre.

Il parlait de fraternité, à une époque où ce mot, déchu à présent de sa grandeur première par l’abus hypocrite que nous en avons fait, était nouveau, stupéfiant et sublime. 

Tous les hommes frères, tous les peuples frères et, au même titre, enfants de l’Eternel ! Les murs des vieux temples en tremblaient, car on était encore à l’âge des haines irréductibles entre les races et entre les dieux. Il parlait d’abnégation,de charité, d’amour, et c’était une musique fraîche et délicieuse, qu’on n’avait encore jamais soupçonnée autour de lui et qui ravissait les âmes. Oh ! ce qu’il disait surtout, et que le Bouddha avec son vague nirvana, n’avait pas  osé concevoir, c’est que la personnalité, le souvenir et l’amour, sans lesquels il ne vaudrait pas la peine de revivre, persistaient après la mort, et qu’il y aurait une union sans fin aux êtres chéris, quelque part où l’on serait à jamais pardonné et pur. Avec une certitude sereine, qui ne semble pas terrestres, il disait ces choses. Il chantait, comme aucun prophète n’avait su le faire, le chant des revoirs éternels qui a bercé pendant des siècles les souffrances et les agonies. Et  ce chant-là, voici que de nos jours, au triste déclin des temps, les hommes se meurent de ne plus l’entendre… »


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