Évangile : Jn 8, 1-11
Isaïe 43, 16-21 – Philippiens 3, 8-14 – Jean 8, 1-11
Homélie de P. Jean-Marc
Voici donc la triste et, hélas, toujours actuelle histoire d’une femme soumise à la vindicte populaire pour avoir été surprise en situation d’adultère. Et l’homme ?… Où est-il l’homme son complice… qui n’est certainement pas moins coupable ?
Mais cette femme n’est en fait qu’un prétexte pour piéger Jésus. C’est lui, l’Homme que l’on cherche à mettre en cause pour mieux le disqualifier et l’éliminer. Car il dérange les bien-pensants et tous les systèmes sociaux et politiques fondés sur l’égoïsme, le mensonge et la violence.
« Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre […] Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. »
Je suis toujours surpris par cette dernière notation !… De nos jours un tel comportement paraît bien étrange alors que, plus on est mis en cause, plus on se sert du mensonge pour clamer sa soi-disant innocence et disqualifié ceux qui dénoncent le mal.
Mais revenons à cette femme restée seule devant Jésus : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Jésus n’escamote pas la faute cette femme, mais il ne l’enferme pas dans la culpabilité. Au contraire, il lui ouvre un avenir. Et c’est bien cela le mystère de la Miséricorde de Dieu que Jésus nous révèle tout au long de l’Évangile.
Les tenants d’une morale rigoriste ont enfermé une fois pour toute la femme dans son péché. Il n’y a plus d’autre avenir pour elle que la mort prescrite par la loi de Moïse. Mais Jésus refuse d’entrer dans une telle logique : « S’étant baissé, du doigt il écrivait sur la terre. » car, comme il le dit lui-même, il n’est pas venu pour enfermer les pécheurs dans leur faute, mais pour les en délivrer : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. » A ce propos, j’aime beaucoup ces mots merveilleux et tellement justes (que je vous cite de mémoire) : « Là où les hommes voient une faute à sanctionner, Dieu, Lui, voit une détresse à secourir. »
Jésus, par le présent de son pardon, ouvre à la femme un avenir neuf, car avec Dieu, rien n’est définitivement fixé, et nul, sauf à refuser le pardon, ne peut se perdre.
Ce que le prophète Isaïe, dans la 1ère lecture confirmait admirablement : « le Seigneur dit : Ne vous souvenez plus d’autrefois. Ne songez plus au passé. Voici que je fais un monde nouveau. »
Voilà bien le mot d’ordre que le Seigneur nous donne en cette fin de Carême pour bien vivre le mystère pascal du Seigneur Jésus et ne pas nous tromper de trajectoire dans notre marche de baptisés à la suite du Ressuscité.
Prenant le plus souvent le contre-pied de nos idées reçues et de nos logiques trop humaines, le Seigneur nous appelle à une conversion de l’esprit et du cœur pour entrer dans l’inédit de Dieu et aller au grand large, au lieu de nous cramponner aux étroites limites de notre passé. L’apôtre Paul nous exhortait ainsi, dans la seconde lecture, à « oublier ce qui est en arrière pour courir vers l’avant ». Courir vers la nouveauté du Christ… et de notre relation avec Lui.
Notre Dieu et Père nous appelle à vivre à son Heure, c’est-à-dire au présent. Chaque jour est cet « aujourd’hui » où Dieu nous invite à le rencontrer et à lui faire confiance. Laissons donc nos regrets et nos rêves si nous ne voulons pas manquer les rendez-vous du Seigneur. C’est maintenant – pas hier ou demain – que l’Esprit Saint est à l’œuvre dans nos vies, comme dans le monde, et qu’il sanctifie le Peuple de Dieu dont nous sommes les membres.
Croire en Dieu et avoir une pratique religieuse, c’est bien ! Mais cela peut devenir obstacle dans notre relation à Dieu s’il n’y a pas un attachement vital au Christ Jésus. Paul, le pharisien au zèle religieux irréprochable et intransigeant, en a fait l’expérience : « Tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère maintenant comme une perte par rapport à ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. »
Frères et Sœurs, voici qu’aujourd’hui notre Dieu fait toute chose nouvelle. Il nous faut, par la foi, Lui ouvrir toutes grandes nos vies. Laissons donc tomber tout ce à quoi nous nous accrochons – nostalgies ou culpabilités, et nos sécurités trop humaines – et entrons dans la vie nouvelle du Christ Jésus.
Dieu nous appelle à être avec Jésus, et comme lui, créateurs de vie par le pardon, la réconciliation, la louange. Dieu a besoin, puisque nous sommes le Corps du Christ, de nos visages pour refléter sa beauté, de nos cœurs pour rayonner sa tendresse, de nos mains pour répandre sa douceur, de nos pieds pour rejoindre nos frères et sœurs en détresse.
En guise de conclusion j’aimerais reprendre ici quelques phrases de la très belle première homélie de notre Pape François :
Il y a des mouvements qui nous tirent en arrière. Je voudrais que tous nous ayons le courage, vraiment le courage, de marcher en présence du Seigneur, avec sa Croix ; d’édifier l’Église sur le sang du Seigneur, versé sur la Croix ; et de confesser l’unique gloire : le Christ crucifié. Et ainsi l’Église ira de l’avant.
