Évangile : Lc 2, 22-40
Fête de la Présentation du Seigneur – 2025
Malachie 3, 1-4 Hébreux 2, 14-18 Luc 2, 22-40
Je me rappelle les Noëls de mon enfance, et la crèche immense de mon église paroissiale avec ses personnages aussi grand que nature… Superbe ! Et le tout était rehaussé par la féérie de l’éclairage et de la musique mystérieusement déclenchée par une simple pièce de monnaie. Mais il y avait quelque chose qui me choquait et gâchait mon bonheur : cette pancarte, là, juste au premier plan : « Prière de ne pas toucher. »
Oui, j’avais bien raison de réagir, puisque la fête de ce jour nous montre le vieux Siméon prenant l’enfant dans ses bras. Car l’Enfant que Marie a mis au monde n’est pas un spectacle pour émouvoir, mais un évènement qui fait irruption dans nos existences pour les renouveler. L’Enfant de Bethléhem n’est pas une poupée de cire, il est lumière, il est feu qu’il nous faut saisir comme ce cierge que nous tenions en main au début de cette célébration. Il est flamme qui se communique de proche en proche pour illuminer toujours davantage et toujours plus loin. Lueur encore intime pour Marie et Joseph devant leur nouveau-né, mais qui très vite devient un signe joyeux qui illumine et réchauffe la nuit des bergers, puis un astre étincelant attirant les mages des confins de la terre.
De même qu’une petite flamme peut devenir un immense incendie, ainsi Jésus – Lumière du monde – répand son feu toujours plus loin, toujours plus profond jusqu’en nos cœurs de croyants, jusqu’au plus secret de nos vies, afin de les embraser du feu de son amour.
Et aujourd’hui, ce feu gagne le Temple de Jérusalem, expression la plus haute et la plus parfaite de la foi du Peuple de Dieu et de sa relation à son Seigneur. Feu qui vient tout purifier et renouveler : l’Alliance, la Loi, les Promesses, le culte, les sacrifices, le sacerdoce… réalisant ainsi ce que le prophète Malachie annonçait depuis si longtemps : « Soudain, viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez, le messager de l’Alliance que vous désirez (…) Il est pareil au feu du fondeur, pareil à la lessive des blanchisseurs. (…) Il purifiera (les croyants) et les affinera afin qu’ils puissent, aux yeux du Seigneur, présenter l’offrande en toute justice ».
A la réflexion, on avait bien raison d’inscrire devant la crèche : « Prière de ne pas toucher ». Car l’Enfant né de Marie est dangereux. Le roi Hérode l’a bien senti !… Car cet enfant ne laisse rien indemne : « Il enlève les péchés du peuple. » « Il libère ceux qui, par crainte de la mort, passent toute leur vie dans une situation d’esclave. » Tous ceux et celles qui vivent dans la culpabilité, la peur du jugement de Dieu… Et nous le sommes tous plus ou moins !
Oui, nous n’en avons malheureusement guère conscience, mais du fait de notre condition de pécheurs, c’est-à-dire d’êtres blessés, handicapés, nous sommes tous dans l’incapacité radicale d’échapper à l’emprise du mal. Saint Paul, lui-même, s’en lamentait : « Je fais le mal que je ne voudrais pas, et je ne fais pas le bien que je voudrais. » (Rm 7)
Par contre Jésus est le seul humain, parfaitement saint et juste, capable d’accomplir la Loi d’amour de Dieu. Saint Paul, dans sa lettre aux Galates, l’exprime très bien : « Le Christ, en voulant partager notre condition humaine, a pris sur lui, tout le poids des observances de la Loi promulguée par Moïse. Il s’est fait malédiction pour nous. » Cela explique, me semble-t-il, la curieuse insistance de l’Évangile de cette fête qui ne cesse d’insister, à propos de l’enfant Jésus et de ses parents, sur leur parfait accomplissement de toutes les prescriptions de la Loi du Seigneur. I
Jésus a pris sur lui tout le poids et les conséquences des péchés du monde « afin de faire de nous un peuple ardent à faire le bien, capable de le servir dans la justice et la sainteté, tout au long de nos jours ». En d’autres termes, un peuple qui puisse vivre dans la liberté et la ferveur de l’Esprit Saint.
Voilà vraiment la Bonne Nouvelle, l’extraordinaire libération apportée par le Seigneur Jésus, non seulement à ceux qui le connaissent, mais encore à toute l’humanité. Immense et bienheureuse lumière répandue par l’Enfant sur notre monde : nous sommes tous aimés par Dieu, nous sommes tous ses enfants bien-aimés. Alors, pour vivre de cet amour, il n’est besoin ni de technique exigeante, ni de sacrifices coûteux. Il importe seulement d’accepter de se faire tout petit, et de s’en remettre dans une confiance radicale, inébranlable, à notre Frère et Sauveur, le Seigneur Jésus. Il nous fera vivre alors de son Esprit de paix, de pardon, de prière, de service. En un mot, de son Esprit de sainteté.
Siméon et Anne, au terme de leur longue vie, n’étaient plus que désir de Dieu. Et voilà qu’ils découvrent émerveillés l’Enfant de la promesse. Et Siméon de chanter alors ces mots que nous-mêmes, avec toute l’Église, nous aimons faire nôtre chaque soir : « Maintenant, ô Maître, tu peux laisser s’en aller ton serviteur dans la paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples. » Oui, ces mots de jubilation et d’espérance, nous pouvons les faire nôtre, non plus pour accepter de mourir, mais pour en vivre éternellement.
* * *