Acey, vendredi 1er novembre 2019 — Solennité de la Toussaint
« Dieu fait de nous des saints. » C’est-à-dire ses amis, ses intimes. Merveilleuse bonne nouvelle !… C’est ce dont notre Frère Albert va témoigner au cours de cette messe en fêtant son Jubilé, c’est-à-dire ses 50 ans de consécration monastique.
En rendant grâces avec lui nous le confions au Seigneur, lequel – malgré nos résistances et nos handicaps – réalise pour nous infiniment plus que nous n’osons espérer.
Homélie de la Toussaint 2019
Apocalypse 7, 2…14 I Jean 3, 1-3 Matthieu 5, 1-12a Homélie de P. Jean-Marc
Un homme me disait : « La Toussaint ! Une fête que je n’aime pas ! », et il ajoutait : « Je l’ai toujours perçue avec des couleurs sombres et tristes. » On parle bien, n’est-ce pas, d’un « temps de Toussaint » !
Je lui rétorquais : « C’est probablement parce que vous confondez la fête des Saints avec le 2 novembre, Journée des défunts ! Pour beaucoup, la Toussaint se réduit à une visite au cimetière. »
Mais mon interlocuteur réagit : « Non, pas du tout ! Je sais bien que la Toussaint est la fête des vivants, non des morts. Mais ce qui me rend triste, c’est de me sentir tellement loin de l’idéal de sainteté que Dieu veut pour moi. Je patauge dans la médiocrité, je retombe toujours dans les mêmes ornières. » Et cette réflexion me faisait penser à ce mot célèbre de Léon Bloy : « Il n’y a qu’une tristesse, celle de n’être pas des saints ! »
Au fait, qu’est-ce que la sainteté ?… Pour ne pas nous tromper, je vous invite à revenir à la Parole de Dieu entendue en ce jour. J’y relève trois grandes affirmations :
1- La première : Ce que nous célébrons en ce jour, ce ne sont pas d’abord les saints, mais Dieu lui-même. Car, ne l’oublions jamais, la sainteté provient de Dieu. Elle trouve sa source, son accomplissement en Dieu. La Bible le souligne avec force : « Soyez saints, car moi, votre Dieu, je suis saint. » Et Jésus lui-même nous disait : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »
Cette sainteté est un don totalement gratuit de son Amour. Lui seul, le Seigneur, peut assurer la fidélité et l’achèvement de notre propre sainteté : « Le salut est donné par notre Dieu et par l’Agneau » proclamait l’Ange de l’Apocalypse. Et St Jean : « Mes Bien-Aimés, voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés. Il a voulu que nous soyons enfants de Dieu, et nous le sommes ! »
La sainteté n’est donc pas le résultat d’un effort, d’un exploit. Elle n’est pas le fruit de nos mérites, mais bien plutôt notre identité profonde. Une identité qui ne demande qu’à se révéler, qu’à s’exprimer et à porter des fruits. Ce qui fait dire encore à St Jean : « Quiconque fonde sur le Seigneur une telle espérance se rend pur comme Lui-même est pur. » Lorsqu’on découvre la sainteté de Dieu et son amour pour nous, on ne peut, alors, qu’y répondre.
2- La deuxième affirmation concerne le nombre des élus. Rappelez-vous ce que disait l’Apocalypse : « J’ai vu une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, races, peuples et langues. »
Le Seigneur ne fait pas les choses à moitié. Il n’est pas le Dieu d’une petite élite. Il est générosité surabondante qui comble au-delà de ce que nous pouvons imaginer ou même espérer.
Un jour quelqu’un demanda à Jésus : « Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? ». Question très humaine, trop humaine, de gens au cœur et à l’esprit tellement rabougris qu’ils ne cessent de mettre des limites à la grâce et au salut de Dieu ! Jésus ne répond pas. Il invite simplement à la vigilance et à la responsabilité personnelle : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ! »
Et il y aura de fameuses surprises dans le Royaume. Ceux qui se croyaient les premiers seront peut-être les derniers. Alors que ceux et celles que l’on considérait comme derniers, ou même, selon nos catégories morales ou religieuses, que l’on estimait exclus, seront peut-être les premiers dans le Royaume. Renversement de perspectives tellement inouï que nous avons bien du mal à nous y faire, mais dont témoignent Marie-Madeleine (de laquelle Jésus a chassé 7 démons), Zachée (tricheur et exploiteur), et le Bon Larron, (en réalité, bandit de grand chemin et meurtrier), et tant d’autres.
3- La troisième affirmation c’est que, si nous ne devons jamais juger les autres, nous n’avons pas, non plus, à porter un jugement sur nous-mêmes.
Parce que, comme le dit encore St Jean « nous ne savons pas vraiment ce que nous sommes. » Et cependant « nous sommes déjà enfants de Dieu. » Déjà enfants du Père, déjà frères du Christ et membres de son corps, déjà animés par l’Esprit-Saint !
Nous souffrons souvent, je pense, de l’étroitesse ou de la médiocrité de nos existences. Nous souffrons de nos incapacités à aimer et à prier. Mais que cela ne nous décourage pas ! « Si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout. » Voilà pourquoi, en nous appelant à devenir des saints – c’est notre identité, c’est notre vocation ! – le Seigneur ne nous impose pas une mission impossible. C’est Lui qui réalise cela en nous par son Esprit-Saint. Il n’attend de notre part que notre consentement… non pas notre perfection ! Le consentement de l’enfant qui se sait faible, inconstant, pécheur, mais qui compte éperdument sur l’amour de son Père. Miracle de la tendresse de Dieu !… Nous valons infiniment plus que ce que nous faisons ou imaginons.
Au cours de cette homélie j’ai relevé trois affirmations concernant la sainteté. J’en ajouterai volontiers une quatrième : la sainteté n’est jamais quelque chose d’individualiste « Mon affaire à moi ! ». La sainteté nous insère dans un corps, le Corps du Christ. Elle nous intègre dans une communauté de foi, d’espérance et d’amour, l’Église. Voilà pourquoi il convient maintenant que F. Albert renouvelle devant nous tous, frères de sa communauté, membres de sa famille et de notre assemblée, la démarche qu’il a faite voici 50 ans.
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