Acey, jeudi 1er novembre 2018
Homélie de la Toussaint 2018
Apocalypse 7, 2…14 I Jean 3, 1-3 Matthieu 5, 1-12a Homélie de Père Jean-Marc
Le 5 août 1498 Christophe Colomb découvrait le Nouveau Monde. Une fabuleuse aventure qui parle toujours à notre imaginaire collectif et que j’aime relire comme une parabole de la recherche que nous chrétiens, à la suite de multiples générations, nous faisons du Royaume de Dieu : le seul qu’on puisse en vérité appeler “le Nouveau Monde”.
On a suffisamment utilisé les images de la barque de l’Église livrée aux tempêtes du Grand large pour n’avoir pas de peine à établir un parallèle entre l’aventure des trois caravelles de Christophe Colomb lancées dans l’inconnu d’un infini marin particulièrement hostile et notre propre itinérance spirituelle.
Par notre baptême, nous sommes devenus des voyageurs, des pèlerins, des migrants qui n’ont plus de demeure permanente. À la suite de Jésus et avec lui nous ne cessons de quitter ce monde qui passe pour chercher à atteindre les rives de ce “Nouveau monde” que Dieu nous a destiné de toute éternité.
La Bible, de mille manières, nous rappelle notre vocation d’itinérants… depuis le récit de l’arche de Noé emportant sur les flots quelques spécimens de la race humaine et des espèces animales, en passant par la traversée de la Mer Rouge et l’exode dans le désert, jusqu’aux épisodes de l’Évangile où Jésus, dans la barque avec ses disciples, ne cesse de passer d’une rive à l’autre du lac de Tibériade… sans oublier le fantastique odyssée de Saint Paul, premier missionnaire, qui pour porter l’Evangile aux confins du monde connu affronte les dangers de la mer et subit tempêtes et naufrage.
« Tous ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils, et d’où viennent-ils ? » interroge Jean, le voyant de l’Apocalypse. Et il reçoit comme réponse : « Ils viennent de la grande épreuve. »
Nos existences sont inévitablement marquées par l’épreuve. Multiples épreuves de la vie, mais aussi, pour nous les baptisés, épreuves de la foi, puisque nous sommes engagés dans une aventure spirituelle bien plus radicale et décisive que celle de Christophe Colomb.
Car nous sommes habités par l’intense désir, non pas tant de découvrir une terre, que de vivre une rencontre : « Une eau vive murmure en moi : viens vers le Père ! » écrivait l’évêque Ignace d’Antioche, au début du 2ème siècle, alors qu’il était conduit à Rome pour y être dévoré par les bêtes.
Même si nous n’avons pas, comme lui, à donner le témoignage sanglant du martyre, il nous faut néanmoins faire des choix pour demeurer cohérents avec notre foi, et par conséquent lâcher du lest pour mieux parvenir au but.
C’est ainsi que saint Paul pouvait dire : « Pour le Seigneur, j’ai tout perdu. » et il ajoutait : « Je m’élance vers le seul but : la connaissance du Christ mon Seigneur. Je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. » (Ph 3, 12-14)
On peut imaginer ce que fut la joie d’un Christophe Colomb et de ses compagnons lorsqu’ils atteignirent enfin le but qui, depuis si longtemps, avait mobilisé toute leur énergie. Que devrait-il en être pour nous qui avons reçu la promesse d’une communion définitive avec Dieu, notre Amour et notre Paix ?
« Bien-Aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. – et nous le sommes !… même si ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. » (I Jn 3, 1-2)
Au terme de ses extraordinaires aventures Christophe Colomb, victime d’intrigues, termina sa vie dans l’amertume et les larmes. Ainsi passe la gloire de ce monde ! Car l’idéal, la volonté et le courage d’un homme ne peuvent pas grand-chose contre les rivalités et les jalousies, et l’égoïsme d’une société sans pitié.
Mais nous, Frères et Sœurs, comment pourrions-nous être déçus ou trahis dans notre attente puisque nous avons mis notre confiance dans le Christ ? Il a fait de nous les membres de son Corps, et par sa vie livrée pour le pardon de nos péchés, il nous sauve du néant de la mort et nous entraîne jusqu’auprès de son Père, qui est aussi notre Père : « Sans te voir nous t’aimons, sans te voir nous croyons, et nous exultons de joie, sûr que tu nous sauves. Nous croyons en toi. »
La Toussaint est vraiment la joyeuse Fête de l’espérance. Et l’espérance ne déçoit pas parce qu’elle repose, non sur des espoirs toujours décevants, mais sur la fidélité de Dieu notre Père, sur la victoire de Jésus-Christ, et sur la puissance de vie et d’amour de l’Esprit Saint.
Nos frères et sœurs, les saints et saintes que nous fêtons aujourd’hui, nous donnent raison. Avec eux, qui sont désormais les grands vivants, nous faisons Eucharistie en chantant au Seigneur de nos vies : « Amen ! Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! »
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