Homélie du 31ème dimanche ordinaire – année A – 2017 par Dom Jean-Marc

Abbaye Notre-Dame d’Acey, 5 novembre 2017

 

31ème dimanche ordinaire – année  A – 2017

 

Malachie 1, 14b à 2, 2b.8-10    I Thessaloniciens 2, 7b-9.13     Matthieu 23, 1_12    Homélie de P. Jean-Marc

 

« Dieu, personne ne l’a jamais vu. » (Jn 1, 18)  nous dit Saint Jean.

Verset capital qui, dans la continuité des commandements de Dieu donné aux Israélites par Moïse, interdit toute représentation de Celui qui est au-delà de toute représentation, le Tout Autre que nul n’a vu, ni ne peut voir sans mourir.

Mais Saint Jean ajoute aussitôt : « Mais le Fils Unique qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui nous l’a fait connaître. »

Dieu, ayant décidé dans sa miséricorde infinie de nous arracher à l’abîme du péché et de la mort est venu partager notre condition humaine, et pour cela il a pris visage humain en Jésus né de Marie. C’est pourquoi, Jésus, vrai Dieu et vrai homme, est médiateur entre Dieu et l’humanité. Saint Paul, dira qu’il n’y a pas d’autre médiateur, car lui seul (qui vient du Père) peut nous dévoiler le Père et nous introduire auprès de lui.

C’est ainsi que depuis l’avènement de Jésus-Christ, il est désormais possible d’exprimer quelque chose du mystère de Dieu par l’art de l’icône, de la sculpture, de la peinture…

Mais si Jésus est le médiateur entre Dieu et nous, il ne prend pas la place de Celui qu’il révèle, qu’il manifeste : le Père invisible. Car, pour que le médiateur remplisse fidèlement sa mission, il importe qu’il ne s’attribue rien qui puisse porter préjudice à la présence et à la sainteté de Celui qu’il rend présent.

C’est à partir de là que nous pouvons dans l’Eglise considérer les ministères et les fonctions d’autorité. Le prêtre, de même que toute personne exerçant un service d’autorité, ne peut agir que comme re-présentant de Jésus-Christ, l’unique médiateur entre Dieu et les hommes et le re-présentant du Père.

Mais si le Christ n’a jamais rien retenu pour lui de la gloire de son Père, nous ne savons que trop par expérience combien il n’en va pas de même pour les humains. Déjà en Israël les prophètes (ainsi Malachie dans la 1ère lecture) dénonçaient fortement les abus des responsables religieux qui par leur comportement profanaient la sainteté de Dieu. Et tout au long de l’histoire de l’Église, jusqu’à aujourd’hui, n’ont pas manqué les abus de pouvoir et les déviances graves. Car l’homme est ainsi fait que dès qu’il détient une part d’autorité il a tendance à vouloir se l’approprier comme un pouvoir : pouvoir qui permet de s’imposer aux autres jusqu’à les asservir et les manipuler.

Bien sûr, de tels excès existent dans la société civile où beaucoup aspirent aux honneurs et aux titres et cherchent à s’imposer au détriment des autres.

Mais lorsque il en va de même dans l’Église, c’est d’autant plus choquant. Car non seulement, en agissant ainsi, on trahit l’idéal évangélique d’amour fraternel et de service mutuel, mais on pervertit l’image de Dieu. Notre Dieu qui ne s’impose jamais et veut nous rendre libre comme lui-même est libre. Nous connaissons tous des personnes qui ont rejeté la foi parce que celui ou celle qui devrait les y introduire. (parents, éducateurs, enseignants) ont trahi et perverti le visage de Dieu !

D’où, la violente critique de Jésus vis-à-vis des responsables religieux de son temps, mais qui peut être entendue à toutes les époques : « Ils disent et ne font pas. Ils imposent de pesants fardeaux. Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens ; ils aiment les places d’honneur et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de maîtres. »

Et Jésus de conclure : « Ne donnez à personne sur terre le nom de Père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. »

Alors doit-on extirper de notre vocabulaire les termes de “père” et de “maître” ? Même si les mots peuvent induire une pratique, ils ne sont que la manifestation extérieure d’une attitude intérieure qui est d’autant plus subtile et nocive qu’elle est moins repérable.

Une fidélité littérale aux préceptes du Christ ne résoudrait rien et, par contre, risquerait de nous faire oublier que nous avons les uns les autres à exercer, au nom de Dieu, une mission de paternité/maternité et d’enseignement. Non pas en notre nom ou selon nos idées, mais au nom de notre Dieu, de qui toute paternité, au ciel et sur terre, tire sa source, comme l’affirme Saint Paul.

C’est dans notre esprit et notre cœur qu’il faut opérer une conversion afin de passer de la volonté de domination, si profondément enracinée en nous, à la volonté de service et de don de soi aux autres.

Car il n’y a d’authentique autorité que comme service, c’est-à-dire comme don de soi et attention aux autres afin qu’ils grandissent en humanité et en dignité. Il devrait en être ainsi dans toutes les structures de la société civile ! Mais l’Église, en tant que dépositaire du message évangélique, a en ce domaine une responsabilité toute particulière.

Nous les disciples de Jésus Christ, le Serviteur qui a lavé les pieds de ses disciples et a livré sa vie par amour, nous sommes appelés à cette même attitude de service qui, loin d’être humiliante, est au contraire notre dignité et notre gloire.

Alors, ne cessons pas de demander à l’Esprit Saint de faire de nous, à la suite de Jésus, d’authentiques témoins de la tendresse et de la miséricorde de notre Dieu et Père.

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