Évangile : Lc 18, 9-14
Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé !
Frère set Sœurs, nous avons un problème : nous pouvions penser qu’il suffisait de croire en Dieu de monter au Temple pour le prier ou dans notre cas de venir à la messe le dimanche et d’accomplir des bonnes ouvres pour notre Salut… et visiblement pas !
Cette parabole est la clé du Ciel ! Cela mérite toute notre attention. Voici ce que nous trouvons au douzième et dernier échelon d’humilité de St Benoît (RB 7,65) : « Le moine … répète toujours dans son cœur ce que le publicain de l’Évangile disait, les yeux fixés à terre ; « Seigneur, je ne suis pas digne, moi, pécheur, de lever les yeux vers le ciel » » (Lc 18, 13 Mt 8, 8). Ce passage fait inclusion avec RB 7,1 : « 1 La divine Écriture, mes frères, nous crie ; « Quiconque s’élève sera humilié, et qui s’humilie sera élevé.» (Lc 14, 11 18, 14 Mt 23, 12) »
Pour le dire autrement, l’exemple à suivre pour le moine est celui du Publicain !
– Il se reconnaît pêcheur ce que nous faisons au début de chaque eucharistie : « je confesse à Dieu Tout-Puissant et à vous frères et sœurs »
– « Seigneur, Je ne suis pas digne de te recevoir » voila le refrain qui précède toute communion, légué par le Centurion au serviteur malade. L’un et l’autre sont peu recommandables du fait de leur métier et de leurs relations avec l’occupant païen. Et pourtant c’est eux, pas les Apôtres, si souvent rabroués par Jésus, qui nous sont donnés en exemple dans l’Evangile d’une prière que Dieu écoute.
Notre Eglise est donc non pas celle des purs, mais des pardonnés, qui vivent de leur pardon et en reçoivent une mission. Et c’est là tout le sens du baptême. Nous avons besoin que le Fils nous prenne dans sa mort-résurrection pour devenir Fils à notre tour. Et devenir Fils nous met en marche ensemble vers le Royaume.
Le contre-exemple du Pharisien est parlant :
– Il s’appuie sur sa Justice. Il n’a donc pas besoin de Jésus, « Dieu Sauve », puisqu’il a mérité son salut. Il ne demande pas le Salut, il l’achète à coups de bonnes actions au lieu de les réaliser en Action de grâce pour le pardon reçu et la grâce de Vie qui en découle !
– Il se vante en se comparant favorablement à son frère qui prie avec lui au Temple. Il n’a donc pas besoin d’une communauté pour l’aider à grandir en sainteté. Il ne prie pas, il s’isole dans sa tour d’ivoire… et l’Homme n’est pas fait pour être seul (Gn 2, 18)
– Il se met à juger, sort donc de la prière et, se mettant de côté, usurpe la place de Dieu qui seul est législateur et juge (Jc 4,12). Il n’a donc pas besoin d’un échange de dons avec le Publicain qu’il méprise (dont il évalue mal le prix). Le Publicain est son punchingball : il lui sert surtout à se justifier et par là-même l’empêche de le demander et donc de l’être.
Plus profondément l’arbre du bien et du mal n’a qu’un fruit nous dit Dieu : la mort. Et nous ne venons pas ici pour mourir mais pour apprendre à ressusciter. Juger s’est tuer l’autre et retourner l’arme contre soi.
Ainsi le Pharisien est fort utile : il nous permet par ce contraste de la parabole de repérer quelques dangers de la prière personnelle :
– Si nous jugeons les autres croyants, non seulement nous ne prions pas mais nous excluons de fait un autre croyant de la relation à Dieu et nous coupons de la fraternité humaine. Nous ne prions pas, nous divisons !
– si nous ne prions pas avec et pour les autres priants, nous nous opposons à la prière de Jésus pour l’Unité, nous ne faisons plus Eglise mais Club sur invitation.
– Si nous sommes fiers de nous dans la prière, nous ne sommes pas là pour nous unir à Dieu mais pour polir l’idole de notre idée de perfection. Nous ne prions pas, nous astiquons !
Si nous voulons être amis de Dieu, nous pouvons nous mettre à la suite du publicain en disant « Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis »
Pour le cas où nous n’aurions pas encore tout à fait compris la leçon que nous donne Jésus aujourd’hui, écoutons la dernière phrase de l’Evangile du jour : Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé !
