Première lecture : Dn 7, 13-14 Deuxième lecture : Ap 1, 5-8 Évangile : Jn 18, 33b-37
Christ Roi – Jn 18,33-37
A.C. 2024
La question de Jésus à Pilate, en réponse à sa propre question, nous renvoie à un engagement personnel, car c’est à nous qu’elle s’adresse aussi : « Dis-tu cela de toi-même ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ?« . Disons-nous que le Christ est Roi de nous-même, du plus profond de notre foi, de ce que nous vivons personnellement en conformité avec celle-ci, ou disons-nous cela parce que l’Eglise le présente ainsi, parce que c’est ce que nous avons appris au catéchisme ? Répondre à cette question nous oblige à nous situer face à la royauté du Christ et à la recevoir telle que la Révélation nous la présente et non pas comme notre imaginaire peut spontanément la concevoir. Car cette « royauté n’est pas de ce monde« . Cela ne veut pas seulement dire que le Christ n’exerce pas sa royauté à la manière des rois de ce monde. Mais plus profondément qu’elle lui vient de Dieu et révèle donc quelque chose de lui. « Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité« . L’Apocalypse dit de lui qu’il est « le témoin fidèle » : témoin et visage du Père, témoin du cœur de Dieu et de son amour pour les hommes. Il y a parfaite coïncidence entre ce que le Christ vit et ce que Dieu est. Il y a donc parfaite coïncidence entre la manière dont le Christ est roi et la manière dont Dieu agit dans le monde. La confrontation de Jésus avec Pilate se situe entre les deux moments clés de la passion du Christ, qui à vrai dire n’en font qu’un : la Cène et la Crucifixion. C’est là que se manifeste de manière la plus éclatante aux yeux de la foi la royauté du Christ : une royauté de service qui va jusqu’au don de sa vie. « Moi je suis au milieu de vous comme celui qui sert » dit Jésus à ses disciples au soir du Jeudi Saint. Telle pourrait-être la devise de ce roi. Et pour joindre les actes aux paroles, le Maître se met à genoux devant ses disciples pour leur laver les pieds. Il n’y a pas là simple geste symbolique, mais anticipation de ce don de soi qu’il va porter jusqu’à son incandescence sur la croix. Car la Croix est le trône d’où Jésus va exercer sa royauté sur l’univers. Sur la Croix le Christ, Rex et Legifer noster, comme nous le chanterons dans une des antiennes en O de l’Avent, notre Roi et notre Législateur, légifère en nous convoquant à la loi de l’amour et du pardon : « Père pardonnes-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font« . Sur la Croix le Christ règne en gouvernant : par-delà les efforts des hommes pour le réduire à néant, il reste maître de sa vie : « Ma vie nul ne la prend mais c’est moi qui la donne« . C’est lui qui décide du moment où il rend son esprit au Père. Sur la Croix le Christ règne en rendant justice : il promet le paradis au bon larron qui confesse sa foi en lui. Et plus largement, il fait justice à l’humanité entière en la rendant juste pour Dieu.
Tout cela nos frères orientaux l’ont bien compris, qui représentent le Christ en croix revêtu de la tunique royale, la tête ceinte d’une couronne. La Croix est alors le vexillum regis, l’étendard du Roi, et c’est en la regardant que l’on saisit le renversement opéré : « Les rois des nations dominent sur elles, mais pour vous, il n’en va pas ainsi. Au contraire, que celui qui gouverne se comporte comme celui qui sert. » La manière dont Jésus exerce sa royauté qu’il tient de son Père manifeste le dessein éternel de celui-ci : libérer la puissance d’aimer tenue captive au fond de nos cœurs en nous donnant de participer à cette royauté qui est de servir comme fils bien-aimé du Père, qui est de rendre témoignage à la vérité dans la charité. C’est par notre baptême que nous avons reçu l’onction qui fait de nous des rois. Et c’est dans l’Eucharistie, actualisation du sacrifice de la croix, que nous puisons la force de vivre ce sacerdoce royal dans une vie de don, au service les uns des autres. Dans l’attente du jour ou l’amour de Dieu aura tout récapitulé sous un seul chef, le Christ, Roi mendiant d’amour.