Première lecture : 1 R 17, 10-16 Deuxième lecture : He 9, 24-28 Évangile : Mc 12, 38-44
Acey, le 10 novembre 2024
Homélie du 32e dimanche ordinaire 2024 – Année B
I Rois 17, 10-16 Hébreux 9, 24-28 Marc 12, 38-44
F. Jean-Marc
Nous savons tous par expérience, Frères et Sœurs, que ce sont le plus souvent les personnes les plus démunies qui sont les plus généreuses. Notre Évangile de la pauvre veuve nous le confirme.
Elle n’a mis dans le tronc du Temple que 2 piécettes, « tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre », nous dit Jésus. Et d’affirmer alors solennellement : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence ».
C’est vrai que, lorsqu’on a les moyens, être généreux ne coûte guère, et bien souvent flatte notre ego en nous valorisant à nos propres yeux comme aux yeux des autres.
Mais, à y regarder de plus près, l’enseignement de Jésus dans l’Évangile de ce dimanche ne porte pas sur la générosité et le partage, mais bien plutôt sur la Foi, c’est-à-dire sur notre confiance en Dieu.
Je m’explique : cette pauvre veuve, en mettant dans le tronc tout ce qu’elle avait pour vivre, fait bien davantage qu’un bel acte de générosité. En fait, elle mise tout sur Dieu. A vue humaine ce « tout » ne représente certes pas grand-chose, même rien du tout, puisque Jésus a cette expression surprenante : « Elle a pris sur son indigence. » Dans le texte grec, saint Marc écrit : « son manque ». Mais alors, comment peut-on prendre sur ce qu’on n’a pas ?… Au plan matériel, c’est bien impossible, mais pas dans le domaine de notre relation avec Dieu.
Justement, ce que cette femme donne ne fait pas partie des choses tangibles, monnayables. Par contre elle accomplit un formidable acte de confiance et d’abandon envers le Seigneur. Et par là elle accule Dieu à agir. Elle est bien ainsi la digne fille d’Abraham, son Père dans la foi, qui se sentant appelé par Dieu à sacrifier ce qu’il avait de plus cher au monde – son fils Isaac – n’hésite pas un instant, et, par sa confiance absolue, radicale, obtient de Dieu ce qu’il n’aurait jamais imaginé recevoir.
Je vois cette scène comme une parabole qui nous invite, à l’exemple de cette veuve, à tout remettre entre les mains de notre Dieu et Père. À ne rien nous réserver pour nous rendre pleinement disponibles à sa volonté d’amour.
Voyez-vous ! Beaucoup perçoivent Dieu comme un rival, ou comme une projection aliénante dont il faut se libérer. Alors qu’il est la source de la Vie, de toute vie, et de chacune de nos existences… et le terme qui nous comblera infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons désirer, espérer.
Dans l’Évangile de Luc Jésus dit aux grandes foules qui faisaient route avec lui : « Celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient, ne peut pas être mon disciple. » (Luc, 14,33) Une telle radicalité de la part du Seigneur nous fait peur, parce que nous la comprenons comme une exigence qui vient brimer notre liberté et même amputer notre personnalité, notre histoire. Mais en réagissant ainsi, nous faisons fausse route. Bien loin de vouloir nous imposer sa volonté aux dépends de la nôtre, le Seigneur n’a d’autre désir que de nous permettre d’accéder à une authentique, liberté d’esprit, de cœur et de corps. Notre Dieu n’est pas un rival jaloux de son autorité. Bien au contraire ! Parce qu’il est l’Amour, il est Celui qui n’a d’autre désir que de nous fait grandir pour accéder à la plénitude du bonheur, Lui qui, comme le dit Saint-Paul, « nous comblera au-delà bien au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir ou même imaginer. »
En tant que baptisés participant à cette Eucharistie nous nous considérons comme membres de l’Église du Christ. Et nous avons bien raison car nous le sommes en vérité. Et cependant, alors qu’en toute bonne foi, nous désirons faire confiance au Seigneur, notre relation avec Lui est souvent vacillante, fluctuante… au gré de nos humeurs et de nos capacités physiques ou psychologiques. Plus ou moins consciemment nous mettons des restrictions : « D’accord, mais pas au-delà de… Pas plus… »
C’est vrai que nos vies personnelles, familiales, marquées par bien des épreuves et des évènements douloureux, déconcertants, ne favorisent guère en nous l’épanouissement d’une confiance simple qui aille jusqu’à un abandon sans restriction entre les mains de Celui que nous appelons « Notre Père ». Et je ne parle pas de l’angoisse qui insidieusement étreint tant de cœurs aujourd’hui face aux tragédies que l’actualité nous assène sans cesse avec son cortège de guerres, de destructions massives, de cataclysmes dévastateurs, d’incertitudes politiques et économiques.
Nous prions instamment en espérant que Dieu intervienne pour qu’Il nous délivre des malheurs qui défigurent nos sociétés et notre planète, Terre., alors que Jésus nous a dit : « Demandez, et vous recevrez ; frappez et l’on vous ouvrira ». Mais, le plus souvent, Dieu semble absent, sourd à nos appels, à nos détresses…
Mais Dieu n’est pas une potion magique, ou une assurance tous risques, comme nous en rêvons tous plus ou moins. Tant de versets et de pages de la Bible d’ailleurs nous le confirment. Être fidèle à Dieu ne nous préserve d’aucune épreuve. Ainsi le Psaume 33 : « Malheur sur malheur pour le juste. ». Et Jésus… qui est lui-même passé par un chemin de croix et de mort atroce, dit à ceux et celles qui veulent lui être fidèles : « Dans le monde, vous aurez à souffrir… mais gardez courage, j’ai vaincu le monde ».
Frères et Sœurs, faisons confiance à Jésus. Il est « le Chemin, la Vérité, la Vie » et il fera tout concourir à notre bien pour nous conduire tous vers le Monde nouveau inauguré par sa mort et sa résurrection. Alors ne cessons pas d’invoquer son Nom. Et si la peur ou le doute nous assaillent, redisons-lui notre attachement, notre confiance.
Guillaume de Saint Thierry (ami et compagnon de St Bernard) priait ainsi : « Donne-moi, Seigneur, de te faire loyalement le don de tout ce que j’ai, de tout ce que je suis, de tout ce que je pense ; que je ne me réserve rien ! C’est avec toi maintenant Seigneur que j’ai affaire. »
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